21 mars 2025

Maires et noms isséens

Les municipalités sont créées sous la Révolution française. C’est le cas d’Issy séparé des Moulineaux jusqu’en 1893. La commune fait partie du département de la Seine jusqu’en 1968, année de création du département des Hauts-de-Seine.

 Hôtel de Ville inauguré en 1895 par Henri Mayer. Cette portion de la rue Renan est devenue rue du Général Leclerc après la guerre.


Depuis 1790, trente-six maires ont dirigé la commune dont le dernier en date, M. André Santini, bat largement le record de longévité. Cinq maires ont exercé des mandats séparés par une ou plusieurs années tels Nicolas Bargue, Georges-Christ Minard sous Louis-Philippe puis sous la IIIe République, Henri Mayer, Justin Oudin et Fernand Maillet sous la IVe République.

Porte de l’immeuble, 42 rue Renan avec le nom du maire Mayer sur le linteau


Seuls neuf maires, en fonction depuis la seconde moitié du XIXe siècle, ont donné leur nom à une rue ou à une place, dans le quartier de l’Hôtel de Ville le plus souvent. Sous la IIIe République, ce sont Édouard Naud, Charlot, Georges-Christ Minard, Henri Mayer et Auguste Gervais. 
Henri Mayer (1894-1903) inaugure l’actuel Hôtel de Ville en 1895, il exerce un nouveau mandat de 1908 à 1911. Il est aussi le propriétaire d’un magasin 42 rue Renan dont le nom À la tour Eiffel est symbolisé par une enseigne métallique toujours en place depuis 1892. Quant à Justin Oudin, son nom est donné à des écoles maternelle et élémentaire.


Avenue Victor Cresson. Le nom du maire mort en déportation fut donné au début de l’avenue de Verdun.






Après la Seconde Guerre mondiale, le nom de Victor Cresson, mort en déportation, est donné à une partie de l’axe principal isséen reliant la Porte de Versailles à Meudon. On honore Jacques Madaule et Bonaventure Leca sur leur place respective. Le nom de Raymond Menand est lui, attribué à un mail dans le quartier de l’Hôtel de Ville.

                    


Buste de Bonaventure Leca dans le square éponyme/ Le seul maire dont le buste est dans un jardin public. 


Un grand merci à la SEM Issy Media (dirigée par M. Éric Legale) pour la liste des maires dans le Guide pratique d’Issy-les-Moulineaux paraissant chaque année.




Mail Raymond Menand maire de 1973 à 1980, prédécesseur de Mr André Santini. 
Ce mail débouche sur le Conservatoire Niedermayer.

 

Texte et photographies  P. Maestracci

18 mars 2025

Rue du docteur Lombard

Cette rue d’à peine 300 mètres de long relie la place de la Résistance à l’avenue de Verdun. Elle est dans l’axe du boulevard des Îles sur l’île Saint-Germain qui mène à Boulogne-Billancourt, ce qui explique son nom d’origine, la rue de Billancourt. Son nom actuel rend hommage à un bienfaiteur de la ville au XIXe siècle.

Ancien immeuble © Michel Jullien
Au début du XXe siècle, il y a encore surtout des jardins sauf lorsqu’on se rapproche de l’avenue de Verdun. Des logements existent ainsi qu’une chapelle Sainte-Lucie qui fut démolie en 1986 et remplacée par l’école des Ajoncs dans le cadre de la ZAC (Zone d’Aménagement Concerté) Sainte-Lucie. Une église du même nom fut construite en 1937, plus proche de l’avenue et deux fois plus vaste.

Construction en place de l'ancien immeuble © P. Maestracci 

 





Progressivement, des immeubles sont construits. Le plus spectaculaire est celui qui fut construit au-dessus de la rue lors de l’aménagement de la zone comprenant le Centre commercial des Trois-Moulins. Le portail d’entrée de l’usine Gévelot qui était à l’est de la rue du docteur Lombard a été déplacé de la place Gévelot dans la rue, non loin du square de la Résistance.



   



Détail du portail de l’entreprise Gévelot. La sculpture en bronze, sous une tête de lion, est composée d’armes comme le casque mais aussi un fusil abaissé symbole de paix. Cela évoque le proverbe latin : « si tu veux la paix, prépare la guerre. »
© P. Maestracci




Rue du docteur Lombard, vue vers le nord avec l’immeuble de bureaux construit au-dessus de la rue. 
© P. Maestracci







13 mars 2025

L'Aéro-Club de France

Fondé en octobre 1898, l’Aéro-Club de France se donne pour vocation « l’encouragement à la locomotion aérienne sous toutes ses formes et dans toutes ses applications ».


Henri Farman



Dès 1900 à l’Exposition universelle de Paris se déroule le premier Congrès mondial d’aéronautique. C’est dire l’intérêt suscité par cette discipline car il ne s’agit à l’époque que de vols en ballons libres. 
En 1906, un donateur américain, James Gordon-Bennett, journaliste, propriétaire du New York Herald crée une compétition qui deviendra un événement international et portera à jamais le nom de « Coupe James Gordon-Bennet ».
Les essais ou travaux embryonnaires sur les aéroplanes sont encore du domaine artisanal.
C’est l’ère des courses et des compétitions qui insufflent 
créativité et émulation.
Ainsi le Brésilien Santos-Dumont, est reconnu comme premier pilote d’un engin que l’on « dit plus lourd que l’air » à Bagatelle le 12 novembre 1906.
C’est l’occasion pour un grand nombre de fanatiques et de passionnés de présenter au grand public le fruit de leurs travaux.                                                                    

Henri Farman à Issy-les-Moulineaux
En 1908, le 13 janvier, à Issy-les-Moulineaux, Henri Farman sur un aéroplane construit par les frères Voisin réussit le premier kilomètre en circuit fermé. Le pilote sait désormais faire virer l’avion, ce qui lui rapporte la somme de 50 000  francs-or (de quoi lui donner des ailes !).
Les trois frères Farman, de père anglais et mère française, un trio qui a marqué l’histoire ! 
Henri (1874-1958) est un pionnier de l’aviation et constructeur d’avions ; Maurice (1877-1964), est un coureur cycliste et automobile, pionnier de l’aviation avec son frère ; Dick (1872-1940), est ingénieur aéronautique.

1907 : création des ateliers Farman à Issy-les-Moulineaux.
1912 : création société aéroplane Henri et Maurice Farman. 

S’en suivent des émules comme les frères Wright, américains passionnés de ce qui vole et qui créent d’abord une école à Auvers près du Mans, puis à Pau.
 
Le capitaine Ferber, l’un des plus avisés de son temps, dont une rue d’Issy porte le nom, (voir le 28 janvier 2024) crée à son tour une école. A l'initiative de l'Aéro-Club de France, est créée en 1908 une Chambre syndicale des industries aéronautiques devenue aujourd'hui (GIFAS), le Groupement des Industries Françaises et de l'Espace.
A droite, l'un des frères Wright
A. Bétry - Suite dans d’autres aventures de l’air


7 mars 2025

Charles Boumrar, un Isséen heureux

Charles Boumrar est né dans la maison familiale, 29, allée de la Seine (actuelle rue Pierre-Poli) en pleine guerre. Son père Rabah, d’origine kabyle, est né en Algérie. Sa mère Juliette est née à Saint-Etienne-du-Mont, dans le Pas-de-Calais. 

Ses parents viennent s’installer à Issy-les-Moulineaux sur l’île Saint-Germain. Le pavillon familial se trouvait au carrefour d’une allée bordée de cinq pavillons de chaque côté, habités par des Arméniens, des Italiens et des Espagnols. À cette époque, les propriétaires de pavillons n’avaient pas la propriété des terrains. La propriétaire de ceux-ci venait encaisser les loyers tous les trois mois. En 1955, il y eut 50 centimètres d’eau de la Seine au rez-de-chaussée de la maison familiale.

Le père de Charles est mobilisé en 1939 mais libéré en raison de sa famille nombreuse. Il travaille chez Renault à Boulogne-Billancourt dont les bâtiments subissent de nombreux bombardements alliés. L’Intendance allemande occupait alors le parc de l’île Saint-Germain. Lors des alertes, les Isséens se réfugiaient dans les champignonnières (anciennes carrières, avenue de Verdun). Rabah, faisait partie du COSI (Comité Ouvrier de Secours Immédiat). Le 4 avril 1943, il vient rue Heinrich avec son équipe équipée de pelles et des pioches déblayer un immeuble de six étages dont une partie s’est effondrée ; l’autre partie s’écroule sur les sauveteurs dont on ne sait s’il y eut des survivants. Rabah Boumrar est déclaré « mort pour la France » par décision ministérielle le 16 août 1944. Charles devient alors Pupille de la Nation comme ses trois grandes sœurs. Sa maman se retrouve veuve avec ses dix enfants issus de deux mariages dont quatre du mariage avec Rabah : trois filles et le dernier-né Charles.

Sa scolarité et les loisirs

Charles va à l’école Paul-Bert jusqu’à douze ans. Comme le lycée Michelet à Vanves était trop loin, il intègre, en passant le concours d’entrée comme il était de tradition, le cours complémentaire Anatole-France où il reste pendant deux ans. Ses sœurs sont scolarisées au Centre de Formation professionnelle de secrétariat Voltaire.

Charles et son entourage dans l’actuelle rue Pierre Poli. Il est au centre tout près de sa chère maman et entouré d’amis. Derrière le groupe, il y a un terrain vague (utilisé par la suite pour construire un foyer de travailleurs) ; de l’autre côté de la rue, c’était le stade des Orphelins d’Auteuil. Au loin, la Seine au-delà de la rangée de peupliers.

Après avoir fréquenté le patronage de Sainte-Lucie, il profite avec bonheur du patronage municipal laïc rue Marceau ainsi que des colonies aux Sables-d’Olonne pendant deux mois d’été dont il garde un souvenir ébloui de l’hébergement en baraquements, la vue sur la mer, le bois de pins. Il se souvient également du camping du patronage laïque à la Ferté-Alais avec une tente-marabout de l’Armée américaine pour vingt filles et une autre pour vingt garçons. La famille était très pauvre mais bénéficiait de quelques aides de la Mairie. « La Mairie distribuait des godillots pour les enfants une fois par an. Ma mère n’a jamais payé ni cantine ni colonie ». Charles allait au cinéma grâce au patronage dans plusieurs salles : le Novelty, le Casino, le Moderne, le Casino du Parc et l’Alhambra où il a vu Gérard Philippe dans Le Cid.

Charles se définit comme « un enfant de la rue. » Il y avait une corde pour se balancer au-dessus de la Seine mais, hélas c’est un jeu dangereux, car il se souvient qu’un jeune Arménien de dix ans s’est noyé. 

Le quartier de l’île Saint-Germain

Les nationalités étaient nombreuses : « des Russes blancs souvent chauffeurs de taxis, des Chinois, des Arméniens, des Italiens fuyant Mussolini, des réfugiés espagnols et portugais, ceux-ci au milieu des années 60… De temps en temps, un Arménien sortait son fourneau pour cuisiner et tout le monde chantait. » Sur les terrains vagues, des céréales étaient mises à sécher. Il y avait beaucoup de Maghrébins vivant dans quatre foyers tenus par un ancien militaire. » La plupart travaillait dans les usines Renault ou dans les petites entreprises artisanales. « Tout le monde vivait en bonne intelligence. »

Il y avait aussi des petits artisans, des casseurs de voitures pour revendre la ferraille, des charbonniers. Mais il y a aussi « une bande de gangsters dans les années 50 qui ont d’ailleurs été condamnés à perpétuité. »

Les commerces étaient nombreux. Ainsi, avenue du Bas-Meudon, « Le Tabac des Sports était un lieu de rencontre avec une salle de bal, une salle de billard, une salle de boxe. Il est devenu un restaurant. Il y avait aussi Le Comptoir français (chaîne d’épiceries), deux boucheries dont l’une chevaline, une droguerie, deux ou trois épiceries, deux boulangeries, plusieurs cafés dont la République de Saint-Marin, pour les Italiens et deux ou trois cafés-hôtels pour les Maghrébins » 

L’île Saint-Germain comprenait aussi l’îlot Chabanne ; une passerelle reliait les deux îles. Un jour, un cheval est tombé de cette passerelle dans le fleuve. Les pavillons sur l’île étaient souvent inondés. Lors d’une crue dans les années 60, le plancher d’un pavillon s’effondra et « une gamine s’est noyée. »

Sa vie professionnelle

Charles commence à travailler à l’âge de 14 ans et demi dans l’usine Les Forges et ateliers de Meudon ; il y va sur un vieux vélo récupéré dans la seine et rafistolé. Il travaille sur une machine de filetage et de taraudage 9,5 heures par jour du lundi au vendredi, voire le samedi matin en cas d’urgence. En raison de sa minorité, son salaire est inférieur de 25 %. « Je donnais tout à ma mère et elle me donnait mon argent de poche » dit-il.


Charles Boumrar (photographie P. Maestracci)
au 
Café Français, place Paul Vaillant-Couturier



À 19 ans et demi, il accomplit ensuite pendant 18 mois son service militaire en France en tant que pupille de la Nation. Il est affecté au « Service du Matériel ». Il apprend la comptabilité ainsi que la conduite et obtient son permis militaire ce qui lui permet de valider ensuite son permis civil.  Revenu à la vie civile, après avoir exercé divers métiers (aide-comptable, vendeur), il devient pendant huit ans chauffeur-livreur pour un laboratoire à Boulogne-Billancourt. Il reste fidèle à l’île Saint-Germain et y fonde une famille et a un fils ; il réside à nouveau dans sa rue d’enfance. Puis il devient chauffeur de taxi quelques mois avant de devenir le chauffeur du directeur d’une grande banque, et à ce titre, dispose d’un logement de fonction à Issy-les-Moulineaux jusqu’à sa retraite.

En retraite

Toujours résident à Issy-les-Moulineaux, Charles devient un joueur de bridge passionné au sein du Bridge Club Isséen.  

Pour conclure, laissons-lui le dernier mot : « J’ai eu la chance de n’avoir que des sœurs au-dessus de moi. La vie était belle, j’étais choyé, je me suis baigné dans la Seine jusqu’à 18 ans. J’ai pêché des écrevisses grâce à mon épuisette fabriquée avec un manche à balai et des bas nylon récupérés. »

Un grand merci pour nous avoir raconté sa vie avec autant d’optimisme.

 Texte : F. Grimbert et P. Maestracci