LES PRÉSIDENTS DE LA DÉLÉGATION SPÉCIALE
À LA MAIRIE D’ISSY-LES-MOULINEAUX DE 1939 À 1945
Au début de la Seconde Guerre mondiale et à la suite du Pacte germano-soviétique, de nombreux conseils municipaux dirigés par des membres du parti communiste sont dissous. Par un décret du 26 septembre 1939, le gouvernement suspend ainsi les vingt-sept conseils municipaux communistes de la région parisienne tandis que le préfet de la Seine nomme des délégations spéciales chargées de gérer provisoirement ces communes.
Ville industrielle et ouvrière depuis la fin du XIXe siècle, Issy-les-Moulineaux en fait partie : aux élections municipales de mai 1935, elle avait largement voté pour la « Liste d’union antifasciste d’Issy-les-Moulineaux » qui au second tour regroupait des communistes, des socialistes, des radicaux et des radicaux-socialistes, sous la direction d’un communiste : Victor Cresson.
La délégation spéciale isséenne est créée par un décret du 4 octobre 1939 qui nomme son président : le docteur Jean Alesssandri. Il est assisté par deux adjoints dont l’un, Joseph Vivien (ci-contre), est un directeur d’école respecté (et … un peintre aux paysages locaux de bonne facture).
Né en 1901 à Erbajolo (Corse du Nord) d’un père décoré de la Médaille militaire et Chevalier de la légion d’Honneur, il a fait ses études à Marseille d’abord, puis à Paris où il est reçu docteur en médecine en 1926. Deux ans plus tard, en 1928, il vient habiter, avec son père et sa mère à Issy-les-Moulineaux, au n° 2 avenue Bourgain, où il installe son cabinet. Militant étudiant depuis 1921, il entre par ailleurs à la Section Française de l’Internationale Ouvrière (S.F.I.O.) et devient le septième adhérent de la cellule d’Issy, où il joue rapidement un rôle de tout premier plan. Très actif, il se présente aux élections municipales de 1929 (où il échoue), et crée un journal « La Flèche Socialiste » en 1934. L’année suivante (1935), il est élu Conseiller municipal, obtenant le plus de voix sur la liste. En juin, il est le candidat du Front Populaire aux élections cantonales, et il conquiert sans surprise le siège de conseiller général.
Cette ascension politique s’arrête toutefois en juin 1940 quand il quitte la ville, fuyant devant l’avancée de l’armée allemande.
Après son départ et pour assurer la continuité des services municipaux, c’est un autre membre de la Délégation spéciale, également ancien membre du Conseil municipal élu en mai 1935, Ernest Desaydes , qui s’installe à la présidence le 14 juin 1940. Ancien combattant de Verdun, il a choisi de rester en place pour représenter la population auprès des forces d’occupation. Arrivé à Issy-les-Moulineaux au début des années 1920, il habite avec sa famille au n° 51 du boulevard Gallieni et y restera jusqu’à sa mort en 1964. Plus âgé et de condition plus modeste, il est alors retraité de l’Imprimerie nationale. Il est d’abord confirmé dans son poste de président par un arrêté préfectoral du 10 août 1940. Puis, membre de la S.F.I.O et ancien délégué syndical à la Fédération du Livre, il n’est peut-être jugé pas assez sûr par le nouveau régime de Vichy et il est finalement relevé de ses fonctions par un arrêté du Ministre Secrétaire d’État à l’Intérieur du 9 mai 1941.
Le même arrêté promeut à sa place un de ses collègues à la Délégation spéciale : Jean-Marie Sansiaume. Celui-ci habite Paris où il est également retenu par son travail et ne vient donc habituellement en mairie que le samedi. Il laisse ainsi de facto la direction des affaires courantes à Ernest Desaydes. Fonctionnaire, il remplit sa tâche sans engagement idéologique, ni politique et ne sera d’ailleurs pas inquiété à la Libération.
Il occupe ce poste jusqu’au 20 août 1944, conformément à l’ordonnance du 21 avril 1944 qui prévoyait la dissolution des délégations spéciales à la fin des hostilités et la mise en place d’assemblées composées des membres élus de la dernière municipalité et, en outre, de citoyens ayant participé activement à la lutte contre l’ennemi - sur l’avis (et c’est important) des Comités départementaux de libération chargés de restaurer les institutions républicaines et de préparer la prise du pouvoir par la Résistance.
Au départ de l’armée allemande d’Issy-les-Moulineaux, c’est donc un autre homme, Résistant communiste, qui apparait et va faire fonction de maire jusqu’à la fin de l’année : François Anita, dit Saint-Gilles. Il avait été désigné Président du Comité local de Libération dès le 12 juillet 1944 précédent par le Comité parisien de Libération compétent pour le département de la Seine.
C’est un maçon et cimentier de métier. Né à Chamberet (Corrèze) le 8 septembre 1901 de parents cultivateurs, il est Isséen depuis peu : il a déménagé à Issy-les-Moulineaux, au n° 10 Avenue de la République, juste avant la guerre. En 1945, lors des premières élections organisées après la guerre les 29 avril et 13 mai, il fera partie des nouveaux élus.
Mais auparavant, à la fin de l’année 1944, le 31 décembre très exactement, un arrêté préfectoral met fin à ses fonctions en créant une nouvelle Délégation spéciale et en plaçant à sa tête Fernand Maillet. Habitant dès les années 1920 dans le grand ensemble immobilier de la rue du Capitaine Ferber (au n° 17 actuel), celui-ci est alors employé dans l’industrie métallurgique. Premier Adjoint (en 1935) et compagnon de captivité du maire Victor Cresson pendant la guerre, il se présente aux élections municipales de 1945 sur la « Liste d’Union patriotique républicaine antifasciste » qui l’emporte. Il est logiquement élu maire et le demeure jusqu’en 1949.
Réélu quatre ans plus tard, le 3 mai 1953 (après la mandature Madaule), il sera bientôt révoqué le 15 juillet 1953 par un décret du ministère de l’Intérieur invoquant quelques irrégularités de procédure - dues à un climat politique délétère. L’homme qui prend sa suite dans le fauteuil de maire, Bonaventure Leca, est membre de la SFIO, hostile au rapprochement avec le Parti Communiste. Il s’y maintiendra jusqu’à sa mort en 1973.
Significatif, ce changement brutal à la tête du Conseil municipal témoigne de la tension de plus en plus forte qui s’était installée entre les personnalités et les engagements des acteurs politiques locaux pendant la guerre et l’occupation. Elle conduira à une scission profonde et durable au sein de la gauche dans la vie politique isséenne.
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Victor Cresson dans son bureau |
Les documents photographiques proviennent des bulletins municipaux de l'époque, conservés au Musée français de la carte à jouer, sauf celui de Vivien.
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