Pascale est née et a grandi au cœur de la communauté de Notre-Dame-des-Pauvres jusqu’en 1979. Elle y fait la connaissance de son futur mari, Isséen, résidant aux Epinettes. Ensuite, ils sont partis pour le Perche où ses parents sont venus la rejoindre en 1980. Au décès de son mari, en 2014, elle s’installe dans le Languedoc auprès de ses enfants. Ses attaches isséennes sont encore très fortes avec sa belle-sœur qui y réside depuis très longtemps.
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Pascale |
C’est en 1955, à l’arrivée de François du Plessis que tout a changé.
Il fut nommé responsable de la chapelle Notre-Dame-des-Pauvres à Issy-les-Moulineaux dans le quartier de la Plaine. Il quittait celui de la Belle de Mai à Marseille.
Cette chapelle n’était pas tout à fait finie mais il va y officier durant dix-huit ans. Quand celle-ci fut terminée, s’enchaîna la construction d’un foyer de jeunes travailleurs suivi de celle d’une HLM tant le manque de logements était crucial.
C’est à ce moment que ma famille intervient. Mes grands-parents maternels René et Madeleine Richard, personnes modestes et pieuses, vont tenir la « loge » de concierge. Ils s’occupent de l’entretien de la chapelle. Ma grand-mère accueille, nourrit les prêtres, séminaristes, clochards, déshérités de passage. Elle entretient les vêtements sacerdotaux et le linge servant aux offices religieux.
Mon grand-père, quant à lui, va cultiver un grand jardin afin de pallier aux besoins de cette communauté naissante (jardin devenu, par la suite, le terrain de football).
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François du Plessis |
Mes parents, Pierre et Madeleine Calderara, vont alors pouvoir bénéficier d’un logement tout neuf et confortable. Six étages ; quatre familles par palier, toutes origines confondues. Des souvenirs à foison, du bonheur, du partage de la solidarité (60 enfants à occuper). Très peu ont déménagé et sont restés toute une vie tant cette communauté nous a enrichis. Je devais avoir 5 ou 6 ans quand nous sommes arrivés, avec mes parents et mon frère, dans ce logement et avons grandi dans cette mixité.
C’est à cette période qu’une amitié sincère et profonde va réunir mon père et François jusqu’à la mort de l’un deux. Les premières actions menées seront les « squats ». Reloger, dans des habitations inoccupées, des familles avec enfants et sans hébergement. Ces interventions se passaient la nuit, sans bruit, afin de ne pas éveiller l’entourage et, souvent, avec les gendarmes « aux fesses ». Mais quelle joie ils ressentaient quand l’opération était terminée sans que cela finisse au poste de police…
S’en est suivi d’autres grandes aventures. Le désir d’amener tous ces gosses de la Plaine en vacances (certains n’avaient jamais vu la mer). François s’occupe de trouver un terrain en Gironde, un car pour transporter ce petit monde. Il fait appel à l’Armée pour récupérer des tentes et lits de camps recyclés. Et nous voilà le jour « J » prêt à partir. Des familles sont venues se joindre au groupe avec leur matériel de camping. J’ai ce souvenir, présent, de tout ce monde installé sur ce grand terrain (plutôt une forêt de pins) avec les mamans qui préparaient les repas, soignaient les bobos et consolaient les plus petits. François et les pères de famille géraient, plus ou moins, les grands qui leur en faisaient voir « des vertes et des pas mûres».
François faisait l’office dominical, les pieds nus dans le sable, en y conviant ses ouailles pas toujours disciplinées et convaincues.
Le camp de l’Arbousier a duré des années, il y avait les fidèles qui revenaient chaque année. Il a fallu, au fil du temps, mieux organiser l’endroit. Création d’une cuisine et salle de douches commune, d’une infirmerie (ordonnée par les Services sanitaires). Les pères de famille et les bénévoles, à coups de pelle et de pioche, ont fait naître et sortir de terre ce qui avait été ordonné. Le fonctionnement était simple et clair, se soutenir, s’occuper de son prochain avec (si possible) respect et amour. Les plus grands s’occupaient des plus petits. Activités, jeux, lecture, baignade et, le soir, feu de camp, chansons et Jean-Luc Lahaye grattait sa guitare. La journée, François faisait le tour des maraîchers et, avec sa tête de bon Samaritain et sa grandeur de persuasion, nous rapportait des cageots de fruits et légumes pour les repas.
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Mes grands-parents, ma mère, mon frère et moi devant la loge.
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De vivre auprès de ce « Saint Père », nous avons appris à nous contenter du principal et de l’essentiel. Le partage et le respect toujours à l’ordre du jour. Je remercie du fond du cœur tous les acteurs de cette communauté. Je ne peux malheureusement les citer tant ils sont nombreux dans mes souvenirs. Je ne suis pas de celles qui pensent que tout était mieux avant ; mais nous vivons à cette époque grâce aux valeurs transmises par ces expériences de vie, des moments de bonheur intenses, dans cette mixité, d’origine et de point de vue divergents, beaucoup de valeurs
perdues à ce jour.
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Vitraux actuels de Léon ZACK © A. Bétry |
Ma grand-mère est décédée en 1962, je l’ai très peu connue, je n’avais que 4 ans. D’autres personnes ont pris sa relève.
Le père du Plessis nous faisait le catéchisme dans les locaux de la communauté. Nous organisions, les grands et ados, dans cette salle du « peuple », des fêtes, des repas où les parents, bien sûr, étaient conviés autour du spectacle de leur progéniture et d’un bon repas que toutes les mamans nous concoctaient.
Le mercredi, les jeunes filles allions faire le ménage et la lessive chez le Père François qui était toujours débordé et tellement sollicité. Ce lieu de la « Plaine » restera pour moi, et je peux y associer mon défunt frère Bruno, les moments d’insouciance, de bonheur intense où tout était possible et réalisable dans nos têtes de gamins. Certes, un quartier populaire, et j’en suis fière, où les valeurs avaient un sens profond. Ce fut la base de notre construction, une richesse inestimable.
La femme que je suis devenue le doit, en grande partie, à cette enfance heureuse, à nos parents et à François du Plessis ainsi qu’aux habitants et camarades fidèles de la « Plaine ».
Un grand merci à Pascale pour son témoignage qui lui a fait revivre son enfance et, en même temps, rendre hommage au père François du Plessis qui a tant fait pour cette communauté.