Gilles Dutertre, Isséen de ses 6 mois à 18 ans, fut témoin de l'attentat qui, le 10 mars 1962, toucha notre commune d'Issy-les-Moulineaux. Dans un article du 9 mars 2012 publié sur le site http://www.historim.fr/2012/03/10-mars-1962-attentat-oas-issy.html, Historim rappelait le contexte et les circonstance de cet attentat qui a secoué le quartier de la Salle des Fêtes (25 avenue, Victor-Cresson). Voici son témoignage, fort intéressant. |
Gilles à l'Ecole Anatole France. © Coll. privée |
Rappelons que la guerre d'Algérie durait depuis 1954. Le 8 janvier 1961, un référendum avait approuvé à 75 % l'autodétermination de ces départements d'Afrique du Nord ce qui, pour les partisans d'une Algérie française, était inacceptable. En février, à Madrid, se créa l'OAS (Organisation Armée Secrète) autour du général Salan, de Pierre Lagaillarde et de Jean-Jacques Susini. Après l'échec du putsch d'Alger du 22 avril 1961, la violence aveugle éclata des deux côtés de la Méditerranée et les attentats se succédèrent dans un climat de terreur.
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Salle des fêtes après guerre. |
J'habitais au 3e étage du 26, allée Hoche et il n'y avait que le bureau de poste entre la Salle des Fêtes - aujourd'hui le PACI-Charles Aznavour - (ci-contre) et nous.
Ce 10 mars 1962, un peu après 8 h, je m’apprêtais à partir au lycée Michelet, mon père était encore à la maison, et ma mère faisait sa toilette dans la cuisine. A 8 h 10 retentit une énorme explosion et toutes nos vitres volèrent en éclat. La première réaction de mon père fut de penser que c'était le chauffe-eau qui avait explosé ! Il s'est précipité dans la cuisine en criant « Tu es blessée ? Tu es blessée ? ». Heureusement, les rideaux avaient empêché que les éclats de verre ne soient projetés et ne blessent ma mère [qui nous avait raconté ses souvenirs : http://www.historim.fr/2016/11/mon-quartier-avant-guerre-souvenirs-de.html].
Dans l’appartement mitoyen, chez mes grands-parents, la vasque du lustre était tombée sur la table, sans se briser. Lorsque, ultérieurement, l'expert de l'assurance passera, il déclarera que, comme la vasque s'était désolidarisée mais non cassée, elle ne serait pas remboursée…
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Les restes d'une des voitures. © XDR |
Une camionnette Estafette piégée avait explosé devant la Salle des Fêtes où se tenait le congrès du Mouvement de la Paix, abimant les voitures garées à côté (ci-contre) et faisant trois morts (deux gardiens de la paix et le vaguemestre du séminaire) et 47 blessés dont cinq écolières.
De la fenêtre (sans carreaux) de la cuisine, nous voyions de nombreux employés de la Poste sortant dans la cour, couverts de sang. Le gouvernement s'empressa d'accuser l'OAS, notamment la branche d'André Canal, dit le Monocle. Celui-ci niera jusqu'à sa mort, allant même jusqu'à accuser les fameux barbouzes.
Ce matin-là, je suis malgré tout allé au lycée. Exceptionnellement, mon père m'a accompagné jusqu'à la station de métro Mairie d'Issy. Pour ce faire, il fallait passer à quelques mètres du lieu de l'explosion. Soixante ans après, j'ai toujours la vision d'une chaussure de femme, remplie de sang, sur le trottoir. Quand on a 13 ans, ça marque. Mais, à cette époque-là, il n'y avait nulle cellule psychologique pour nous assister … Gilles Dutertre
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