16 décembre 2022

Pierre Lemaitre, "le Miroir de nos peines" et la TIRU

Voici les vacances de Noël et, comme d'habitude, nous allons consacrer ces deux semaines à vous faire découvrir de nouveaux petits bijoux artistiques dans la ville, le nez en l'air, mais aussi, si le temps est trop froid, des livres qui… parlent d'Issy-les-Moulineaux. A commencer par cette histoire passionnante.

Pierre Lemaitre a écrit une trilogie passionnante sur la France après la Grande Guerre avec un dernier ouvrage consacré au printemps 1940 : le Miroir de nos peines, paru aux éditions Albin Michel en 2020 (ci-contre). Il y met en scène plusieurs personnages dont la vie personnelle est bouleversée par la guerre-éclair de l’Armée allemande et la profonde crise politique française à la fin de la Troisième République.

Fernand, garde mobile parisien, vient contrôler l’incinération de papiers le 5 juin 1940 (scène décrite pages 278 et 279) : « dans la cour de l’usine d’incinération d’Issy-les-Moulineaux… Cet immense paquebot avec ses quatre fours gigantesques, ses tapis roulants qui menaient un train d’enfer, cet écheveau de passerelles et d’escaliers mécaniques… C’était des papiers. Des formulaires… toute une faune de paperasserie [que l’on brûlait]… Les éboueurs passèrent la matinée à pousser jusqu’aux escaliers des charrettes à bras qui couinaient sous le fardeau de sacs estampillés BdF… » 

La TIRU. © XDR

Cette usine correspond à l’ancienne TIRU (Traitement Industriel des Résidus Urbains) qui se trouvait quai de la Bataille-de-Stalingrad (ci-contre). Quant au sigle BdF sur les sacs, c’est celui de la Banque de France qui fait détruire des papiers administratifs mais pas seulement… En effet à la page 296, le même garde mobile revient quelques jours après pour assister à une nouvelle destruction de papiers dans des sacs « remplis non de formulaires hors d’usage mais d’une monnaie tout ce qu’il y a de plus actuel, de beaux billets de cinquante, de cent, de deux cents, de cinq cents, de mille francs… »

Le gouvernement qui envisage de quitter la capitale ne veut pas laisser ce trésor à l’ennemi. Le 16 juin, le maréchal Pétain devient président du Conseil, le dernier avant de devenir le chef de l’État français.


Quant à la TIRU, elle fut utilisée plusieurs décennies. Certains jours pendant lesquels le vent soufflait vers la ville, une odeur de soufre émanant des cheminées était nettement perceptible ! L’une des cheminées s’effondra sur elle-même rongée de l’intérieur par les acides. L’ensemble fut démoli pour laisser place à des immeubles de bureaux au XXIe siècle. 

Depuis 2009, l’Isséane, quai du Président-Roosevelt (ci-dessous), incinère les ordures de vingt-cinq communes, sans aucune cheminée et derrière une façade végétalisée. P. Maestracci


L'Isséane, quai du Président-Roosevelt, à Issy. © XDR


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