Et maintenant, place à une biographie d'Antoine Paillard, dictée par Raymond Rossignol, ami d'Antoine Paillard et ancien pilote de l’escadrille 132, à sa femme Huberte. Antoine et Raymond, du même âge, étaient devenus amis à Segré (Maine-et-Loire). Le manuscrit d’Huberte, qui date de mai 1970 fut repris, vérifié et mis en forme en 2021 par leur fils Hubert, lui-même ancien pilote de l’Aéronavale. Le texte tapé et imprimé est destiné aux deux familles ainsi qu’à leurs amis et connaissances.
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©XDR/Gallica BNF |
Antoine Paillard (ci-contre), "7 palmes, 3 médailles, Médaille militaire et Légion d'honneur", s’engage en avril 1915 dans l’armée.
D’abord mécanicien, puis élève-pilote, il obtient son brevet en 1916 sur un Blériot. Il est alors affecté à une escadrille de Voisin-Canon (la VC 111) pour effectuer des raids nocturnes. Il vole sur des avions Sopwith disposant d’une large autonomie et transportant 100 kg de bombes. Il bombarde par exemple la gare de Lumes près de Mézières (Charleville-Mézières) dans les Ardennes.
Dans la nuit du 6 au 7 juillet 1917, il fait partie d’une escadrille de quatre avions qui doit aller bombarder (10 bombes par avion) les usines Krupp à Essen dans la Ruhr allemande. Alfred Krupp a créé une entreprise qui fabrique de redoutables canons en acier dès 1846. La cible est à largement plus de 350 km, ce qui suppose un vol de 750 km. Le réservoir contient 270 litres de carburant et n’autorise qu’un quart d’heure de retard sur l’objectif pour assurer le vol de retour. « Je passe la vallée de la Ruhr et, enfin voici mon but là dans la partie ouest d’Essen… les usines Krupp… Je suis maintenant à 1200 mètres de hauteur, presque à la verticale, je fais fonctionner les six manettes des lance-bombes. » Au retour, il doit atterrir en catastrophe aux Pays-Bas, ce qui lui vaut un camp d’internement dont on l’aide à s’échapper. Quatrième aviateur français à avoir bombardé Essen, il reçoit la Médaille militaire et la Croix de guerre avec palme.
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Antoine Paillard devant son avion. © XDR |
En 1918, Antoine Paillard est affecté au GB 4 (Groupe de Bombardement), escadrille de bombardiers à Luxeuil (Haute-Saône). Il se lie avec le mitrailleur René Hincelin ; tous deux forment une équipe soudée et efficace qui s’entraîne sur les nouveaux Breguet. avant de harceler l’ennemi en mai, tant pour bombarder les troupes allemandes au sol, que pour combattre des Albatros puis des Fokker. « Les semaines se suivent cet été 1918, apportant chaque jour leur somme rude de missions et de danger, vols d’essai, bombardements, combats, mitraillages dans des circonstances atmosphériques détestables. »
Le 14 septembre, est lancée une offensive contre la gare de Conflans à l’intérieur des lignes allemandes « 192 bombes en même temps, s’abattent dans un sifflement terrifiant… chaque avion (au retour) ayant à ses trousses 4 ou 5 avions (Fokker) ennemis", raconte René Hincelin.
Le 1er octobre 1918, Antoine Paillard a la permission de prendre son avion pour aller à Paris en atterrissant sur le Champ de manœuvres d’Issy-les-Moulineaux. « Il faut un Paillard pour s’y poser, commente René Hincelin, et une audace incroyable pour en repartir tellement le terrain est exigu, entouré d’immeubles et d’usines que surmontent de hautes cheminées… Mais tout près, il y a la porte de Versailles et le métro, ajoute-t-il ». De retour à la base le même soir, Paillard et Hincelin font un bombardement nocturne sans autorisation. Cela leur vaut une mise aux arrêts avec ceux qui les ont aidés.
Après la guerre, Antoine Paillard devient pilote de ligne chez Farman puis pilote d’essai sur la ligne Paris-Saïgon. Le 30 mars 1931, à bord d’un Bernard 80, il bat le record du monde en circuit fermé (8 960 km en 59 h 13 minutes) avec son copilote, Jean Mermoz ! Il meurt quelques mois plus tard des suites d’une opération chirurgicale. Raymond Rossignol assiste à la cérémonie religieuse. « Moi, inconnu dans cette foule, de tout mon cœur, je pleurais un ami. » P. Maestracci
Un grand merci aux enfants de Raymond Rossignol pour partager ce texte magnifique consacré à un héros de l’aviation, venu juste une journée dans la commune isséenne lors d’une permission.