Victorine Brocher (1839-1921)
La garnison fédérée évacue le fort d’Issy… Victorine Brocher (ci-contre), se réfugie au petit séminaire [la Solitude de Saint Sulpice (ci-dessous)] tout proche :
Malheureusement, nous n’avons pas pu profiter de leur offre. Lorsque nous étions en train de manger, nous reçumes une décharge bien nourrie, toutes les vitres se brisèrent avec un fracas terrible. Nous étions bombardés presque à bout portant. Le séminaire tremblait sur sa base, c’était effrayant.
Le séminaire Saint Sulpice et la Solitude. © XDR |
« Le 4 mai, nous quittâmes Issy pour retourner à Paris. Lorsque nous défilâmes, notre drapeau en tête, percé par plusieurs balles et entouré d’un crêpe noir en signe de deuil, notre tristesse enthousiasma la foule, dans les rues, sur les boulevards […] on nous jeta des fleurs et des branches de feuillages ».
L’orgueilleuse redoute n’était plus un fort, à peine une position forte, un fouillis de terre et de moellons fouettés par le obus. Les casemates défoncées laissaient voir la campagne ; les poudrières se découvraient ; la moitié du bastion 3 était dans le fossé ; on pouvait monter à la brèche en voiture. Une dizaine de pièces au plus répondait à l’averse des soixante bouches à feu versaillaises ; la fusillade des tranchées ennemies visant les embrasures, tuait presque tous les artilleurs.
Georges Rist (1842-1889)
Georges Rist, évoqué par Lissagaray précédemment, est un ingénieur civil. Chef de bataillon du Génie durant la Commune de Paris, il défend jusqu'au bout - 8 mai 1871 - le fort d'Issy, aux côtés du commandant Julien, chef du 141e bataillon de la garde nationale. Voici quelques extraits de leur Journal :
7 mai : « … Nous recevons jusqu’à dix obus par minute. Les remparts sont totalement à découvert. Toutes les pièces, sauf deux ou trois, sont démontées… Il y a trente cadavres de plus… »
Et notre curé de l'église Saint-Étienne ? Il a rejoint sa cure fin février, raconté ce qui se passait en avril et voilà la suite de son témoignage.
« Le chaud de la bataille commença le 1er mai et dura jusqu’au milieu de la nuit du 8 au 9. Le lundi 1er mai, mon presbytère fut envahi par des gens de forte mauvaise mine. Ils me constituèrent prisonnier et me défendirent de sortir sous peine de mort. Les Communeux s’établirent dans mon rez-de-chaussée ; la salle à manger leur servait de corps de garde. Je m’étais réfugié dans la cuisine où je couchais avec Boëte mon sacristain, qui ne m’a pas quitté d’un instant. J’allais et je venais, sans être suivi, dans mon presbytère dans le jardin. Vers midi, j’escaladais le mur mitoyen de la Solitude, et je descendais au grand séminaire de Philosophie où je prenais mes repas.
Eudes. © XDR |
On se battait la nuit sur toutes les hauteurs ; la fusillade se rapprochait chaque soir. Je n’étais nullement inquiété dans mon presbytère. Les hommes de garde changeaient chaque jour. C’étaient pour la plupart de braves ouvriers fort étonnés et très ennuyés d’être si loin de leur ménage. Je leur servais de secrétaire (…)
« Le bombardement, soir et matin, devint si violent, qu’à partir de mercredi [3 mai], je dus abandonner le séminaire et rester chez moi… Cependant les Versaillais étaient entrés dans le parc d’Issy ; ils y ouvrirent des tranchées qui aboutirent bientôt sur la place du château. Il fut pris à la volée (ci-dessous). Le lendemain matin [4 mai], j’étais sur la terrasse de mon jardin, me chauffant au soleil avec quelques Communeux.
Le chateau en ruines. © XDR |
« Le 4 mai, je pus encore dire la messe ; j’avais mis une pierre sacrée sur une toute petite table dans ma chambre du premier ; deux bougies sur des chaises, mon missel à la main. Pendant le dernier évangile, un obus tomba sur le presbytère. La messe achevée, Boëte et moi, montâmes dans le grenier ; l’obus n’avait pas éclaté. Boëte alla le chercher et le porta avec révérence dans un seau d’eau. Nous-même résolûmes d’aller habiter la cave, et nous y portâmes des matelas et le nécessaire. Cette cave ouverte sur le jardin faisait casemate sur la cour d’entrée.
Issy bombardé devant l'église |
Intérieur de l'église. ©XDR |
« Le samedi [6 mai] Ce fut le tour de l’église (ci-dessous), il n’en resta plus que le gros œuvre. Quand j’y entrai le dimanche [7 mai] de grand matin, je trouvai l’orgue couché au milieu de la nef ; les toits de la voûte effondrés ; les poutres gisant par terre, mêlées aux chaises et à la chaire : tout était saccagé, le jardin était ravagé : des trous à enterrer des chevaux ; les meubles du presbytère passés par les fenêtres et pulvérisés ; mon linge éparpillé : mes longs bas de laine pendants aux branches des tilleuls, comme des grappes noires. Qu’il me suffise de dire qu’après le siège que nous avons subi, l’artillerie ramassa de quoi charger trois camions d’éclats d’obus et de mitraille ramassés dans ma cour, mon presbytère, l’église et le jardin.
« Le 7 mai, dimanche, fut tranquille. »
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