28 mai 2021

Cygnes à Issy-les-Moulineaux


Il y a près du pont de Billancourt, sur le quai de la Seine à l'entrée du parc Saint-Germain d'Issy-les-Moulineaux, un couple de cygnes qui, en ce mois de mai 2021, couvent sept énormes œufs, sur le point d’éclore. La naissance est imminente. Peut-être même qu'à l'heure actuelle ils ont éclos ! Alors, les parents mettent les enfants à l’eau et toute la famille s’en va à la queue leu leu ! Savez-vous qu'il existe trois mots différents pour désigner les bébés cygnes : cygneau, cygnet ou cygnon ! 

Mai 2021. Issy. 
C’est l’attraction du quartier et des environs ; ce phénomène attire de plus en plus de monde. Les appareils photographiques crépitent pour saisir l’instant magique pendant lequel la future maman se lève pour refaire le nid et modifier l’emplacement de ses sept trésors que l’on peut voir à ce moment-là. Les exclamations fusent alors dans l’assistance émerveillée.
Serait-ce un signe du destin cette naissance de cygnes, alors que nous sommes en cours de déconfinement… 

Merci à notre Historimienne Odile pour ce texte et ces splendides  photographies.



25 mai 2021

Bertrand Tavernier à Issy-les-Moulineaux

Bertrand Tavernier. © XDR
Alors que les salles de cinéma rouvrent, comment ne pas évoquer Bernard Tavernier qui nous a quittés le 25 mars dernier. 
Grand cinéphile, il réalisa de nombreux films dont le Juge et l’Assassin, dans lequel jouaient ses acteurs fétiches Philippe Noiret et Michel Galabru dans un rôle à contre-emploi qui lui valut le César du meilleur acteur en 1977.

On l'a déjà évoqué sur notre site lors de notre série sur les films tournés à Issy et, plus précisément, à Corentin-Celton :

Autour de minuit à l'hôpital Corentin Celton. 

En 1985, en effet, il était venu à Issy-les-Moulineaux pour son film Autour de minuit (2 h 13), tourner une des séquences les plus longues (4’41) dans l’hôpital de Corentin Celton. Cette coproduction américano-française remporta les Césars du meilleur son et meilleure musique originale et, surtout, l’Oscar de la meilleure musique en 1987, celle-ci, signée Herbie Hancock.
Le film s’inspire de la vie du saxophoniste noir-américain Lester Young. 

A l'entrée de l'hôpital Corentin Celton.
Dans cette séquence, (ci-contre) l’on peut voir Francis Borler (François Cluzet), affolé, chercher son ami Dale Turner (Dexter Gordon), un artiste musicien, alcoolique invétéré, qui est venu à l’hôpital (Corentin Celton) se faire soigner, surtout l’âme. 
Nous sommes dans le Paris des années cinquante. Atmosphère lourde et  bien restituée. Pour les amateurs de jazz…
Michel Julien
PS. Vous pouvez retrouver le DVD à la médiathèque de la ville. 

22 mai 2021

Robert Marchand, à 109 ans, le cycliste nous a quittés !

R. Marchand © Alain Bétry



Ce 22 mai 2021, Robert Marchand  est mort dans son sommeil à 109 ans
Ce cycliste exceptionnel, le plus âgé au monde à continuer à rouler, a fait la une de nombreux médias… et même d'Historim. Souvenez-vous !



Le 8 décembre 2012, il fêtait ses 101 ans au Restaurant du Parc, à Issy-les-Moulineaux.


Et le 8 décembre 2017, ce collectionneur de records était interviewé par notre ami Serge Rebondy après avoir obtenu le titre de champion du monde des centenaires !

Robert Marchand en pleine action… © XDR

Sans doute avait-il en mémoire ces paroles d'Albert Einstein : "La vie est comme faire du vélo. Pour garder votre équilibre, vous devez continuer à avancer".  PCB

20 mai 2021

"L'Année terrible" de Victor Hugo - mai 1871

Victor Hugo © Nadar

Vous avez suivi la Bataille d'Issy. Si le calme revient peu à peu dans les rues d'Issy et des Moulineaux, les combats ne sont pas terminés. Les Versaillais entrent à Paris, défendue par  les communards et les fédérés de la Garde nationale. Du 21 au 28 mai, c'est la "semaine sanglante". Les barricades sont prises les unes après les autres ; les victimes se comptent par milliers ; les grands monuments parisiens brûlent : le palais des Tuileries, l'Hôtel de ville, le Palais de Justice… 

Voici un extrait de "l'Année terrible" de mai, le dernier que nous publions… mettant en avant ce face-à-face incompréhensible pour le poète entre ces deux pouvoirs français !

Mai

Soit. De ces deux pouvoirs, dont la colère croît, 
L'un a pour lui la loi, l'autre a pour lui le droit ; 
Versailles a la paroisse et Paris la commune ;
Mais sur eux, au−dessus de tous, la France est une ; 
Et d'ailleurs, quand il faut l'un sur l'autre pleurer, 
Est−ce bien le moment de s'entre−dévorer, 
Et l'heure choisie pour la lutte est−elle bien choisie ? 

O fratricide! Ici toute la frénésie
Des canons, des mortiers, des mitrailles ; et là
Le vandalisme ; ici Charybde, et là Scylla. 
Peuple, ils sont deux. Broyant tes splendeurs étouffées, 
Chacun ôte à ta gloire un de tes deux trophées ;
Nous vivons dans des temps sinistres et nouveaux,
Et de ces deux pouvoirs étrangement rivaux 
Par qui le marteau frappe et l'obus tourbillonne, 
L'un prend l'Arc de Triomphe et l'autre la Colonne ! 

Mais c'est la France! Quoi, Français, nous renversons 
Ce qui reste debout sur les noirs horizons !
La grande France est là ! Qu'importe Bonaparte ! 
Est−ce qu'on voit un roi quand on regarde Sparte ? 
Otez Napoléon, le peuple reparaît. 
Abattez l'arbre, mais respectez la forêt.
Tous ces grands combattants, tournant sur ces spirales, 
Peuplant les champs, les tours, les barques amirales, 
Franchissant murs et ponts, fossés, fleuves, marais, 
C'est la France montant à l'assaut du progrès.

Justice! ôtez de là César, mettez−y Rome.
Qu'on voie cette cime un peuple et non un homme; 
Condensez en statue au sommet du pilier
Cette foule en qui vit ce Paris chevalier,
Vengeur des droits, vainqueur du mensonge féroce ! 
Que le fourmillement aboutisse au colosse !
Faites cette statue en un si pur métal
Qu'on n'y sente plus rien d'obscur ni de fatal; 
Incarnez−y la foule, incarnez−y l'élite ;
Et que ce géant Peuple, et que ce grand stylite
Du lointain idéal éclaire le chemin,
Et qu'il ait au front l'astre et l'épée à la main ! 

 

Victor Hugo assiste à ces terribles événements depuis Bruxelles, d'où il est expulsé à la fin du mois de mai. Il se réfugie alors dans le grand duché du Luxembourg et rejoindra la France fin septembre. PCB

18 mai 2021

Rue du Bateau-Lavoir, à Issy-les-Moulineaux

Cette rue longue de 250 mètres, dans le quartier Bord et Val de Seine/Les Arches, réservée aux piétons, a une notoriété croissante. Ce n’est pas parce qu’elle relie l’avenue Jean Bouin au Chemin latéral qui longe les voies du RER et du Tram, mais bien parce que la Halle des Sports Christiane-Guillaume abrite un centre de vaccination contre la COVID-19 !

Le petit bras de la Seine à Issy.
L’expression de bateau lavoir fait référence à une pratique disparue depuis longtemps : la possibilité pour les femmes de rincer le linge dans un cours d’eau à partie d'une berge en pente ou d’un bateau aménagé, comme le montre ce bateau amarré sur le petit bras de la Seine, à Issy (ci-contre). Ce genre d’embarcation fut parfois converti en piscine au XXe siècle. En l’occurrence, c’est aussi un clin d’œil à la proximité des Blanchisseries de Grenelle, rue Rouget-de-Lisle.

Au début de la rue, se font face des immeubles et l’imposante Halle des Sports Christiane-Guillaume. qui rend hommage à la présidente du handball féminin isséen pendant dix ans, de 1985 à 1995. Il y a un vaste espace au sous-sol pour un court de tennis ou un terrain de basket ainsi que d’autres activités sportives, selon les jours. Elle est interdite provisoirement aux sportifs.

Plaques de rue
Sous la plaque indicative de la rue, une pancarte plus grande indique la direction du centre de vaccination (ci-dessus). 

On y distingue (ci-contre) les armoiries contemporaines d’Issy-les-Moulineaux ainsi que celles, plus traditionnelles, de Vanves, identifiées par le battoir d’une lavandière ! 
L’organisation, mise en place au début de 2021 sur réservation obligatoire, est bien rodée et veille à limiter les contacts et le temps passé sur place pour ceux qui viennent se faire vacciner. Les personnes arrivent, pas toujours à l’aise, mais repartent rassurées et plutôt souriantes ! A l’arrière, le petit square Jean Bouin a été aménagé pour les enfants entre la chaussée et la Halle des Sports.

Immeubles de la rue du Bateau-Lavoir.

A l’autre extrémité de la rue, au numéro 12 a été construit le collège Georges Mandel, qui abrite plus de 450 élèves. Près du carrefour avec l’allée Gustave Eiffel, se dressent des immeubles d’habitation (ci-dessus) avec des commerces de bouche au rez-de-chaussée. 
Relais, de S. Demichel.




Une étrange sculpture en métal - une sorte de flamme - de l'artiste Stanislas Demichel, avait été installée lors de l’inauguration de cette Halle des Sports, 
le 5 octobre 2007. Son titre, Relais, fait écho aux courses du même nom sur les pistes d’athlétisme situées juste au-dessus. Elle se trouvait au 17, rue du Bateau-Lavoir, mais a été désinstallée depuis plusieurs années. Heureusement, on en a une photo (ci-contre) !



Derrière la façade vitrée de la Halle des Sports Christiane-Guillaume (ci-dessous), une bouffée d'air frais pour vaincre la Covid ; et, tout au loin, à l'arrière plan, la future Cité des Sports, en pleins travaux, où viendront s'entraîner les sportifs des Jeux olympiques de Paris 2024… une gorgée d'espoir !



Halle des Sports Christiane-Guillaume.

Texte et photos P. Maestracci

15 mai 2021

La bataille d'Issy - parcours n° 2 - du Cimetière à l'Hôtel de ville

Nous voici réunis au cimetière pour notre deuxième - et dernière - visite-parcours consacré à la Bataille d'Issy de 1871. Nous partons, entre deux ondées, sur les traces des Versaillais à la reconquête d'Issy : deux groupes le vendredi 14 mai, deux autres le samedi 15 mai… Covid oblige !

L'Hôtel de ville,  ancien Couvent des Oiseaux. © PCB

Rendez-vous au Cimetière, dans le quartier des Épinettes. Pascale et Florian, fidèles au poste, sont là pour nous accompagner. Ils nous montrent les deux monuments aux morts dédiés à cette période. 

Monument aux Gardes
nationaux © A.Bétry




Le premier honore les « soldats français morts au champ d’honneur en 1870-71 » (ci-dessous) ; le second salue 4 gardes nationaux tués en janvier 1871 (ci-contre) ! On connaît même leurs noms : Messieurs Dufour, Legru, Hervieux et Duval… 

Monument aux soldats français, 1870-71. © PCB












Puis, un groupe se dirige vers le parc Henri Barbusse, par un petit chemin, le sentier des Épinettes, qui longe ce que l'on appelle le "mur des communards" (ci-dessous). Les Versaillais attaquent, alors que derrière se sont retranchés des communards. Là c'est notre Historimien Michel que l'on distingue !

Michel devant le Mur des communards. © PCB

Voici le parc Henri Barbusse que l'on gagne par la rue de l'Égalité. Il est beau, calme et un rayon de soleil vient même l'éclairer (ci-dessous). Rien à voir avec la description qu'en fait Eugène Hennebert, officier supérieur des Versaillais : « Les 27, 28 et 29 avril… nos projectiles pleuvaient sur le parc d'Issy ». 

Le parc Henri Barbusse. © PCB

Direction le Musée français de la carte à jouer… ou plutôt le château des Conti, complètement détruit après l'attaque du 1er mai. On y retrouve l'autre groupe. 

Florian au cimetière. © A. Bétry
Pascale (ci-dessous) nous lit le compte-rendu de Bernard de Susbielle, général versaillais : « Le débouché sur la place du Château était dangereux et c'est là que nous avons perdu le plus de monde.
Le château d'Issy, qui avait été préservé à peu près pendant le premier siège [Guerre de 1870], avait reçu du rempart une telle quantité de projectiles que ce n'était plus qu'un monceau de blocs informes. » 

Florian (ci-dessus) nous montre des gravures d'époque.

Pascale en centre ville. © Alain Bétry


Heureusement, du château des Conti, il reste quelques vestiges qui abritent la Galerie d'Histoire de la Ville (ci-dessous). Le Musée français de la carte à jouer, lui, est construit à partir de 1981 et inauguré en 1997.

La Galerie d'histoire de la ville. © PCB

Enfin, nous voilà devant l'Hôtel de ville… ancien Couvent des Oiseaux, que les Versaillais attaquent à partir du 8 et prennent le 12 mai.

Nos deux guides s'appuient sur des témoignages d'époque, des gravures pour nous plonger dans cette atmosphère de mitrailles, au milieu des blessés, et des barricades qui bloquent les rues.
Le Séminaire tombe lui aussi le 12 mai. Dès lors, les troupes versaillaises filent vers Paris. Mais cela est une autre histoire ! PCB

Quelques rendez-vous à venir

- N'oubliez pas de retrouver Victor Hugo, pour son poème de "Mai", extrait de l'Année Terrible, le 20 mai à 18 h sur le site.
- En juin le Temps des Cerises met en lumière Louise Michel.
- 11 et 12 juin, visite privée (uniquement pour les Historimiens) de l'exposition "l'Année Terrible, regards croisés" au Musée français de la carte jouer, qui se tient du 26 mai au 14 août, 16 rue Auguste Gervais, à Issy-les-Moulineaux.
19 juin, le 12e de ligne monte son campement au Musée de la carte à jouer, de 14h à 18h - à voir absolument.
- Cinq podcasts sur la Commune de Paris seront à découvrir sur le site Issy Podcast :
https://www.issy.com/podcast. L'un est déjà en ligne, fait par Claire L'Hoer que certains d'entre vous ont découvert lors d'une conférence sur le Tourisme. Dans un autre, à venir, vous pourrez entendre deux Historimiennes, Pascale et Patricia…  A suivre donc.

12 mai 2021

La bataille d'Issy - la fin des combats de 1871

La bataille d'Issy se termine dans le sang… Le couvent des Oiseaux et le Séminaire tombent à leur tour aux mains des Versaillais. Communards et fédérés se replient sur la capitale pour une terrible semaine. 

Premier témoignage sur la prise du couvent des Oiseaux, celui d'un journaliste.

Alphonse Peyrat (1812-1890)

Rédacteur au journal'Avenir national, il raconte dans le n° du 20 mai 1871 les derniers jours de combat.

Alphonse Peyrat © XDR
« Le 7 mai, Eudes [général de la Commune de Paris] fait venir encore des renforts de Paris. Une nouvelle fois, c’est un massacre. Rue de l’Église, les maisons sont systématiquement détruites. Dans la Grande-Rue, la prise de la barricade donne lieu à des corps à corps à la baïonnette. »
Au Séminaire puis au Couvent des Oiseaux, les combats sont terribles. Il enchaîne :
« Les communards avaient établi un de leurs postes dans le parc qui en dépendait, en bordure de l'ancien bourg. C'est dans le couvent lui-même que s'est déroulé un des derniers combats très meurtriers, livrés à Issy.

« La résistance acharnée des Parisiens [les communards] oblige à prendre chaque chambre l'une après l'autre, à briser les portes, à faire voler en éclats les cloisons... Après la prise définitive du couvent,… les morts et les mourants gisaient pêle-mêle et tout le parquet était inondé de sang. »

Parmi les occupants du couvent des Oiseaux et du Séminaire, sont présents plusieurs Turcos, dont Charles Carpentier. Né en Algérie en 1834, fleuriste, il appartenait à l'unité d'infanterie des tirailleurs indigènes, créée en 1841. Ils participèrent à toutes les campagnes de l'Empire, notamment en Crimée… d'où le surnom qu'on leur donna de Turcos. Au moment de la Commune, ils rejoignent les fédérés. Nommé sergent-chef à la mi-avril 1871, Charles Carpentier rejoint sa compagnie au couvent des Oiseaux le 29 avril. Blessé, il n'assistera pas à sa chute le 20 mai.
                                              

Bernard de Susbielle (1808-1893)

Général de division dans l'armée des Versaillais, Bernard de Susbielle - dont on n'a aucun portrait - participe à la guerre franco-prussienne de 1870 au cours de laquelle il est blessé. Remis de ses blessures, il prend part aux combats de 1871. Le Journal de marche de sa division relate la prise du village d'Issy par ses hommes .

« Le 12 mai, le 46e s'empare du couvent des Oiseaux à Issy, du Séminaire et de 3 barricades. 8 canons restaient entre nos mains ainsi que beaucoup de munitions et 60 prisonniers. 
« Le 13 mai, les insurgés ont été tellement bousculés la veille à la prise du couvent des Oiseaux et du Séminaire qu'ils ont abandonné tout le village d'Issy… Nous occupons l'hospice des Petits Ménages, le lycée de Vanves… 

Le château d'Issy, en ruines, en 1871. © XDR
« Le village d'Issy est un des points où les insurgés se sont défendus avec le plus d'acharnement… Rien de plus curieux à voir que les rues du village d'Issy après cette lutte acharnée. Les murailles étaient littéralement garnies des empreintes laissées par les projectiles. La rue conduisant de la place du château à l'église [actuelle rue Étienne Dolet] était remarquable sur ce rapport… Le débouché sur la place du Château était dangereux et c'est là que nous avons perdu le plus de monde. Le château d'Issy [ci-contre], qui avait été préservé à peu près pendant le premier siège [Guerre de 1870], avait reçu du rempart une telle quantité de projectiles que ce n'était plus qu'un monceau de blocs informes.

« Dès que les villages d'Issy et de Vanves furent à nous, les insurgés y firent pleuvoir une véritable grêle de gros projectiles. Aussi éprouvâmes-nous des pertes très sérieuses ; le 13 mai, un seul obus éclatant dans la grande rue d'Issy tua un de nos hommes et en blessa 22 ! »

Le Fort. © XDR

C'en est fini des combats dans Issy après 41 jours de bombardements et de mitrailles. Le drapeau tricolore flotte sur le Fort (ci-dessus). Château d'Issy, couvent des Oiseaux, Séminaire sont aux mains des Versaillais. Il faudra des années pour tout reconstruire, tout en gardant trace de ces journées terribles. Victor Hugo, lui, n'a pas fini de les évoquer (prochain rendez-vous le 20 mai à 18h).   PCB


Plaque à l'entrée du Fort. © PCB

Notre-Dame des bombes à la Solitude, près
du Séminaire. © XDR

8 mai 2021

La bataille d'Issy, 8 mai-12 mai 1871

Les choses s'accélèrent les 8 et 9 mai. Le Fort tombe. Les Versaillais se dirigent maintenant vers le centre du village d'Issy. Le couvent des Oiseaux puis le Séminaire sont les cibles suivantes. L'officier Eugène Hennebert raconte. Et, face à lui, un communard : le boxeur Joseph-Pierre Charlemont. 

 Joseph-Pierre Charlemont (1839-1929) 

J.-P. Charlemont. ©XDR

Maître d’armes, entraîneur de boxe française, engagé aux côtés des communards, Joseph-Pierre Charlemont publie en 1899 un ouvrage : la Boxe française, dans lequel il rappelle son passage à Issy.


« Le 8 mai, le fort d’Issy n‘était plus tenable. Les obus, les bombes crevaient les casemates, pulvérisaient les revêtements ; les remparts étaient totalement découverts, les artilleurs étaient tués en pointant leurs pièces ; les morts jonchaient le sol, les travaux d’approche des Versaillais touchaient presque le fort ; enfin on l’évacua.

« Toute la journée du 8, il y eut des combats isolés dans Issy… Formant une ligne demi-circulaire des Moulineaux à l’église, occupant l’église, les Versaillais prenaient à revers le couvent des Oiseaux ainsi que le séminaire qu’ils attaquaient en même temps de front et de flanc. Tout à coup, les Versaillais font irruption dans le couvent… 

« Pendant l’attaque du couvent, des fédérés qui se reposaient dans les sous-sols, sous le perron, à l’intérieur du parc, n’entendirent pas les sonneries ; ils furent surpris par ls Versaillais et fusillés sur le champ ».


Charlemont s’était replié au carrefour de la Fontaine. Là, une forte barricade fermait la Grande-Rue pendant qu’une autre en travers de la rue de la Glaisière (actuelle rue Minard) concourait à la défense du carrefour.

« Enfin dans la nuit du 8 au 9, les Versaillais avaient tellement resserré leur ligne d’enveloppement, qu’il ne fut plus possible de résister sans courir le risque d’être cerné. Au petit jour, on évacua donc Issy, on rentra dans Paris, les tués et les blessés étaient portés sur des brancards… Le père Boutet, tué dans le couvent, fut oublié. »

Eugène Hennebert (1826-1896) 

Officier supérieur de l'armée de Versailles, Eugène Hennebert (dont on n'a pas de portrait) raconte l'entrée dans Issy et la prise du couvent des Oiseaux.

« Le 8 mai, à dix heures du matin, la grande batterie de Montretout ouvrait son feu et battait l’escarpe du corps de place… L’armement se composait de 70 pièces de gros calibre, approvisionnées chacune à 500 coups… Le fort d’Issy ne tirait presque plus car nous étions maîtres de l’église et d’une partie du village… 

Le couvent des Oiseaux. © Tony Rouge, Musée d'Orsay.

«  Dans la matinée du 9 mai, à l’heure où s’allumait un incendie au fort de Vanves, les insurgés du fort d’Issy, officiers en tête, s’esquivèrent par divers chemins pour se replier partie sur le couvent des Oiseaux, partie sur le lycée de Vanves.Vers 10 h du matin, le fort paraissait inerte ; rien ne remuait plus derrière ses plongées… On voulut connaître la cause de cet étrange silence. … Le fort était vide.

« Le vendredi 12, dans l’après-midi, le commandant de Pontécoulant à la tête d’un bataillon du 46e de marche s’emparait, à Issy, du couvent des Oiseaux [ci-dessus]. A la suite de cette affaire, dit le rapport officiel, les insurgés, comprenant qu’ils ne pouvaient plus tenir en dehors de l’enceinte, ont successivement abandonné toutes les parties du village qu’ils occupaient encore, laissant entre nos mains un grand nombre de prisonniers. »

Le couvent des Oiseaux, occupé par les Dames de Saint-Augustin en 1837, subira de lourds dommages dans les jours qui suivent. La propriété sera rachetée en 1892 par la ville d'Issy qui en fera son Hôtel de Ville. Les jours suivants, le village d'Issy est aux mains des Versaillais. PCB.

Prochain rendez-vous le 12 mai, 8 h pour les derniers témoignages. 



6 mai 2021

Napoléon est mort ! Vive l'empereur !

Napoléon est mort à Sainte-Hélène le 5 mai 1821. Il n'est jamais venu dans notre commune au cours de sa vie. Mais…

Napoléon Mortier
© XDR
Un enfant, portant le prénom impérial, est né à Issy le 19 thermidor, an XII (7 août 1804). Il s’agit de Napoléon Mortier (ci-contre), fils du duc de Trévise. Celui-ci, Edouard Mortier (1768-1835), engagé dans l’armée dès 1791, est nommé maréchal de France en 1804, l’année de naissance de son fils. L’acte d’état-civil mentionne comme témoins l’empereur Napoléon et l’impératrice Joséphine. Mortier est alors propriétaire de l’ancien domaine de Nicolas Beaujon (actuel Hôtel de Ville). 
En 1814, il défend Paris contre les armées étrangères puis se rapproche de Louis-Philippe 1er. Il meurt lors de l’attentat de Fieschi contre le roi en 1835. (Voir l'article paru sur le site : http://www.historim.fr/2015/07/28-juillet-1835-mort-dun-notable-isseen.html)

L.-A. Berthier © XDR

Un autre maréchal d’Empire est propriétaire d’un domaine dans le quartier de la Ferme : il s'agit de Louis-Alexandre Berthier (1753-1815), prince de Wagram (ci-contre). 

Rallié à Louis XVIII, il se réfugie en Bavière pendant les Cent-Jours où il meurt. Son fils Napoléon-Louis devient sénateur sous le Second Empire. Les combats lors des Cent-Jours se déroulent près du quartier de la Ferme et les Prussiens occupent ensuite le village d’Issy. (Voir l'article paru sur le site : http://www.historim.fr/2015/06/3-juillet-1815-la-fin-des-cent-jours.html). 


J.-F. de Menou © XDR


Un troisième militaire (ci-contre), Jacques-François de Menou (1750-1810), commande l’armée d’Egypte après le retour en France du général Bonaparte. Gouverneur général de Venise, il meurt dans la cité des Doges en 1810. Mais sa famille achète le domaine isséen qui avait appartenu aux de La Haye. La propriété correspond au terrain entre le boulevard Gambetta et  les rues Vaudétard et Victor Hugo. Elle est vendue en 1827 à l’abbé Béranger qui crée l’orphelinat de Saint-Nicolas (actuel établissement scolaire La Salle-Saint-Nicolas). 



Napoléon Ier, exilé à Sainte-Hélène - cette île lointaine dans l'Atlantique sud - est déjà bien malade lorsqu’il rédige son testament le 15 avril 1821. Deux paragraphes du chapitre I sont particulièrement significatifs. Le deuxième paragraphe n’a qu’une phrase devenue célèbre : « Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple que j’ai tant aimé. » Le quatrième s’adresse à l’Aiglon : « Je recommande à mon fils de ne jamais oublier qu’il est né prince français… Il ne doit jamais combattre ni nuire en aucune manière à la France. Il doit adopter ma devise, Tout pour le peuple français. » Dans la suite du testament, il lègue à son fils « des objets tels argenterie, lit de camp, armes, selles, éperons etc. »


Napoléon sur son lit de mort. © XDR

Monsieur de Norvins dans son Histoire de Napoléon (Paris, Furne et Cie, 1840)  décrit la mort de l’empereur. «  À cinq heures et demie du soir, Napoléon n’interrompit le silence léthargique où il était plongé, que pour laisser échapper ces deux mots : "Tête d’armée". Telle fut la suprême parole du vainqueur de l’Europe. Le buste de son fils, qu’il avait fait placer depuis un mois en face son lit, avait eu son dernier regard. »
Il faut attendre le 15 décembre 1840 pour voir arriver le cercueil de l’Empereur aux Invalides, déposé d’abord dans une chapelle, puis, plusieurs années après, dans le tombeau sous le Dôme. 

 P. Maestracci


Le Musée de l'Armée, en coopération avec la Fondation Napoléon, organise une exposition intitulée "Napoléon n'est plus", ouverte jusqu'au 19 septembre 2021. En attendant de pouvoir y admirer les œuvres en présentiel, en voici une visite virtuelle de plus de 20 minutes : 

https://www.youtube.com/watch?v=WN8JK0BIwyE&t=12s

 

4 mai 2021

La bataille d'Issy - 4 mai 1871

Journalistes et photographes de presse sont au cœur des combats. En voici deux exemples.

   Alphonse Liébert (1827-1913)

Officier de marine, ce natif de Tournai en Belgique se tourne très vite vers la photographie qui le passionne. Il est l’un des rares à rester à Paris en 1871. Véritable reporter de guerre, il prend des clichés des monuments détruits, des barricades élevées par les communards, à Paris et en banlieue : Vanves, Drancy, Neuilly et… Issy.

A. Liébert. © XDR


C’est ainsi que plusieurs clichés montrent notre ville d’Issy-les-Moulineaux, gravement touchée par les combats, notamment des photos du Fort en ruines comme celles vues précédemment. « Depuis fin avril, une à une les salves d'obus démontaient les pièces du fort d'Issy. On voit sauter en l'air les paniers garnis de terre, puis quelques pans de murs s'effondrent avec bruit ».

Il publie en 1872 un double-album, réunissant 100 photos de la période dont certaine sont publiées ici.



Le Gaulois

Ce quotidien est fondé en 1868. Monarchiste, puis bonapartiste, il soutiendra l’ancien empereur Napoléon III dès le mois d’août 1871. Ces journalistes sont indépendants dans la façon de s’exprimer, comme vous pouvez en juger dans le numéro du 4 mai 1871


« La possession du fort d’Issy va considérablement diminuer les forces des insurgés. Ils vont être réduits à se réfugier derrière les remparts où nos obus sauront bien les atteindre et leur rendre la position intenable.
« Le fort d’Issy, entre les mains d’un assiégeant, devient terrible pour Paris. Il tient en échec le fort de Vanves et le fort de Montrouge, sur lesquels il peut diriger des feux plongeants. En même temps, il bat les bastions qui lui font face. Enfin, il domine la ligne sud…
« C’est à coup d’artillerie que nous dompterons la résistance des insurgés… Les insurgés ne prévoient peut-être pas tout le mal que le fort, devenu nôtre, va leur causer. Ils se disent : le fort est ruiné ; de ses six casernes, il ne reste que la carcasse d’une seule ; nous bombarderons la position à notre tour et ils n’y pourront pas tenir.

Les ouvrages du Fort anéantis. © A. Liébert
« C’est une grosse erreur qu’ils commettent ; ils oublient que les Prussiens, dès qu’ils sont entrés en possession des forts, en ont retourné immédiatement les ouvrages contre Paris et qu’ils avaient établi des travaux d’attaque très puissants.
« Le côté du fort qui regarde Paris n’ayant eu que peu à souffrir du bombardement, nous profiterons immédiatement de ces ouvrages.
« Durant toute la nuit, le génie a travaillé, et ce matin nous étions à moins de 100 mètres de la gorge de la forteresse… Sur la porte du fort d’Issy, il nous a semblé voir flotter encore la hideuse loque rouge que ces misérables appellent leur drapeau. 
« P.S. A l’heure où nous écrivons, l’investissement du fort d’Issy peut être considéré comme complet. »

La chute du Fort d'Issy se précise et, avec lui, l'arrivée des Versaillais dans les Moulineaux et à Issy. PCB
 Prochain rendez-vous le 8 mai, 8 h, toujours accompagné de témoins. 

1 mai 2021

La bataille d'Issy, 1er mai 1871

Plusieurs témoins vont raconter cette semaine cruciale de début mai 1871, date à laquelle fédérés et communards quittent le Fort. Laissons-leur la plume.

Victorine Brocher (1839-1921)

Parisienne, communarde puis anarchiste, ambulancière, très proche de Louise Michel, elle publie, en 1909, ses Souvenirs de la Commune dont sont extraites ces quelques lignes.
V. Brocher. © XDR

 Nuit du 29 au 30 avril.
La garnison fédérée évacue le fort d’Issy… Victorine Brocher (ci-contre), se réfugie au petit séminaire [la Solitude de Saint Sulpice (ci-dessous)tout proche : 
« Les pères nous avaient prêté la vaisselle nécessaire pour notre dîner, ils nous avaient même préparé des lits pour nous reposer si nous le désirions. A moi, ils m’offrirent pour dormir une petite chambre au rez-de-chaussée, très propre que j’ai acceptée avec plaisir […] 
Malheureusement, nous n’avons pas pu profiter de leur offre. Lorsque nous étions en train de manger, nous reçumes une décharge bien nourrie, toutes les vitres se brisèrent avec un fracas terrible. Nous étions bombardés presque à bout portant. Le séminaire tremblait sur sa base, c’était effrayant.

Le séminaire Saint Sulpice et la Solitude. © XDR

« Le 4 mai, nous quittâmes Issy pour retourner à Paris. Lorsque nous défilâmes, notre drapeau en tête, percé par plusieurs balles et entouré d’un crêpe noir en signe de deuil, notre tristesse enthousiasma la foule, dans les rues, sur les boulevards […] on nous jeta des fleurs et des branches de feuillages ».



Prosper-Olivier Lissagaray (1838-1901)

Lissagaray. © XDR
Fédéré et journaliste, créateur du journal l’Action, puis du Tribun du peuple, auteur de l’Histoire de la Commune de 1871, Prosper-Olivier Lissagaray (ci-contre) raconte :

« 1er mai : au Fort

L’orgueilleuse redoute n’était plus un fort, à peine une position forte, un fouillis de terre et de moellons fouettés par le obus. Les casemates défoncées laissaient voir la campagne ; les poudrières se découvraient ; la moitié du bastion 3 était dans le fossé ; on pouvait monter à la brèche en voiture. Une dizaine de pièces au plus répondait à l’averse des soixante bouches à feu versaillaises ; la fusillade des tranchées ennemies visant les embrasures, tuait presque tous les artilleurs.

« Le 3 mai, les Versaillais renouvelèrent leur sommation ; ils reçurent le mot de Cambronne. Le chef d’état-major laissé par Eudes avait filé. Le fort resta aux mains vaillantes de deux hommes, l’ingénieur Rist et Julien, commandant du 141e bataillon-XIe arrondissement. A eux et aux fédérés qu’ils surent retenir, revient l’honneur de cette défense extraordinaire ».

Georges Rist (1842-1889) 

Georges Rist, évoqué par Lissagaray précédemment, est un ingénieur civil. Chef de bataillon du Génie durant la Commune de Paris, il défend jusqu'au bout - 8 mai 1871 - le fort d'Issy, aux côtés du commandant Julien, chef du 141e bataillon de la garde nationale. Voici quelques extraits de leur Journal : 

4 mai : « … Les fourgons n’arrivent plus ; les vivres sont rares et les obus de 7, nos meilleures pièces, vont manquer. Les renforts promis tous les jours ne se montrent pas… Nos ambulances sont combles ; la prison et le corridor qui y conduit sont bourrés de cadavres ; il y en a plus de trois cents…  »


Le Fort en ruines. © Alphonse Liébert

5 mai : « Le feu de l'ennemi ne cesse pas une minute… Il y a maintenant, dans les cachots, des cadavres jusqu'à deux mètres de hauteur… »
6 mai : «… La batterie de Fleury nous envoie régulièrement ses six coups toutes les cinq minutes. On vient d’apporter à l’ambulance une cantinière qui a reçu une balle dans le côté gauche de l’aine. Depuis quatre jours, il y a trois femmes qui vont au plus fort du feu relever les blessés. Celle-ci se meurt et nous recommande ses deux petits enfants. Plus de vivres. Nous ne mangeons que du cheval. Le soir le rempart est intenable… »
7 mai : « … Nous recevons jusqu’à dix obus par minute. Les remparts sont totalement à découvert. Toutes les pièces, sauf deux ou trois, sont démontées… Il y a trente cadavres de plus… »

Le curé Joseph Perdrau 

Et notre curé de l'église Saint-Étienne ? Il a rejoint sa cure fin février, raconté ce qui se passait en avril et voilà la suite de son témoignage.

 « Le chaud de la bataille commença le 1er mai et dura jusqu’au milieu de la nuit du 8 au 9. Le lundi 1er mai, mon presbytère fut envahi par des gens de forte mauvaise mine. Ils me constituèrent prisonnier et me défendirent de sortir sous peine de mort. Les Communeux s’établirent dans mon rez-de-chaussée ; la salle à manger leur servait de corps de garde. Je m’étais réfugié dans la cuisine où je couchais avec Boëte mon sacristain, qui ne m’a pas quitté d’un instant. J’allais et je venais, sans être suivi, dans mon presbytère dans le jardin. Vers midi, j’escaladais le mur mitoyen de la Solitude, et je descendais au grand séminaire de Philosophie où je prenais mes repas. 

Eudes. © XDR
 « Le général Eudes (ci-contre) s’y était installé dans l’appartement du supérieur général ; la salle de communauté faisait écurie. Les directeurs seuls étaient restés. Rien de plus curieux que ce mélange de prêtres à qui on ne disait rien, qui vaquaient tranquillement à leurs exercices de piété, au milieu de tout ce brouhaha de gens armés, de cantinières, et de chevaux disséminés dans les parterres ; il faisait un temps splendide.

On se battait la nuit sur toutes les hauteurs ; la fusillade se rapprochait chaque soir. Je n’étais nullement inquiété dans mon presbytère. Les hommes de garde changeaient chaque jour. C’étaient pour la plupart de braves ouvriers fort étonnés et très ennuyés d’être si loin de leur ménage. Je leur servais de secrétaire (…)


 « Le bombardement, soir et matin, devint si violent, qu’à partir de mercredi [3 mai], je dus abandonner le séminaire et rester chez moi… Cependant les Versaillais étaient entrés dans le parc d’Issy ; ils y ouvrirent des tranchées qui aboutirent bientôt sur la place du château. Il fut pris à la volée (ci-dessous). Le lendemain matin [4 mai], j’étais sur la terrasse de mon jardin, me chauffant au soleil avec quelques Communeux.  

Le chateau en ruines. © XDR

 « Le 4 mai, je pus encore dire la messe ; j’avais mis une pierre sacrée sur une toute petite  table dans ma chambre du premier ; deux bougies sur des chaises, mon missel à la main. Pendant le dernier évangile, un obus tomba sur le presbytère. La messe achevée, Boëte et moi, montâmes dans le grenier ; l’obus n’avait pas éclaté. Boëte alla le chercher et le porta avec révérence dans un seau d’eau. Nous-même résolûmes d’aller habiter la cave, et nous y portâmes des matelas et le nécessaire. Cette cave ouverte sur le jardin faisait casemate sur la cour d’entrée.

 
Issy bombardé devant l'église
« Pendant trois jours, le bombardement fut terrible ; à 9 heures et à 16 heures, nous étions sous une pluie de fer. Presbytère, église, chapelle de la Solitude (ci-contre), tout s’écroulait sous nos yeux. Entre les heures du bombardement, des fusillades reprenaient sans cesse : plusieurs balles vinrent mourir à mes pieds ; il y en eut une qui entra si droit dans un des carreaux de la fenêtre du presbytère qu’elle fit son trou sans casser la vitre.Le gros de l’action se passait autour du fortDu clocher, nous voyions des nuages de poussière s’élever en tourbillon vers le ciel. Les Communeux couraient  en tous sens et tombaient morts sur les routes. Pauvres gens ! je leur envoyais l’absolution et je priais.  

Intérieur de l'église. ©XDR

«  Le samedi [6 mai] Ce fut le tour de l’église (ci-dessous), il n’en resta plus que le gros œuvre.   Quand j’y entrai le dimanche [7 mai] de grand matin, je trouvai l’orgue couché au milieu de la nef ; les toits de la voûte effondrés ; les poutres gisant par terre, mêlées aux chaises et à la chaire : tout était saccagé, le jardin était ravagé : des trous à enterrer des chevaux ; les meubles du presbytère passés par les fenêtres et pulvérisés ; mon linge éparpillé : mes longs bas de laine pendants aux branches des tilleuls, comme des grappes noires. Qu’il me suffise de dire qu’après le siège que nous avons subi, l’artillerie ramassa de quoi charger trois camions d’éclats d’obus et de mitraille ramassés dans ma cour, mon presbytère, l’église et le jardin.
 « Le 7 mai, dimanche, fut tranquille. »


La presse se mobilise comme on vient de le voir avec Lissagaray. Mais il n'est pas tout seul. Vous allez voir.  PCB
Prochain rendez-vous, le 4 mai, 8 h.