Voici le témoignage fort intéressant, non pas d'un combattant mais du curé de l'église Saint-Étienne, l'abbé Joseph Perdrau dont les Souvenirs, écrits par son neveu l'abbé Gouraud, seront publiés dans le Mois paroissial de l'église Saint-Étienne en 1920 et 1921.
Le 24 août 1870, il est nommé curé d'Issy à l'église Saint-Étienne (ci-dessous), « un lieu plein de souvenirs excellents… auprès des Sulpiciens, mes bons et vénérés maîtres de 1840 ». Mais la France est en pleine guerre…
Il constate « J'allai visiter mon nouveau poste. Dans quel état. Dans quel état je le trouvai ! Tout le monde s’enfuyait vers Paris. Des lignes interminables de charrettes obstruaient la route : gens et bétail gagnaient la barrière. On dépavait les chemins et l’on pataugeait dans un pied de boue. Des habitants affolés élevaient autour des fortifications des défenses absolument ridicules. J’ai vu des talus couverts de planches hérissées de clous, pointes de Paris qui devaient arrêter la cavalerie prussienne ! Je ne restai que fort peu de temps à Issy ».
L'abbé Perdrau retourne à l'église Saint-Étienne en février 1871. Il continue son récit :
« Le lundi 3 avril, nous fûmes réveillé par les clairons des régiments de la Commune. Ils allaient à Versailles, disaient-ils, pour enlever l’Assemblée et la faire revenir à Paris. Ils firent halte sur la place de l’église. Ils achetèrent force vivres qu’ils payaient sans regarder, ayant le gousset bien garni. Une cantinière s’était déjà bien fournie : « Je vais encore acheter quatre livres de gruyère, nous dit-elle, je vendrai bien cela aux Versaillais ». A neuf heures, tous étaient partis. Ils n’allèrent pas plus loin que les Moulineaux. Ils furent culbutés par les premières lignes des troupes régulières que nous appellerons désormais les Versaillais et qui prirent ce jour-là, pour ne plus les abandonner, leurs positions sur les crêtes de Sèvres. Vers onze heures, les bataillons de la Commune rentraient vers Paris dans un désordre effroyable. La fatalité nous ramena la cantinière qui avait perdu tout son gruyère dans la déroute.
« Le lendemain [4 avril] les Versaillais occupaient les environs du fort d’Issy jusqu’à Châtillon où ils établirent leur grosse artillerie.
« C’est bien quand il s’agit du récit d’une bataille qu’il faut se borner à raconter ce qu’on a vu. Une bataille se compose d’une foule d’engagements qui se sont passés en même temps dans un même pays. Chaque pays a son histoire à part et toute une suite d’événements différents : qui a vu l’un, ignore les autres. Je me renfermai donc dans la relation des combats qui se sont passés dans le pays supérieur d’Issy. Je les ai suivis d’heure en heure. Étant un jour après la guerre chez la maréchale Mac-Mahon, elle me présenta au général Clinchamp qui se trouvait là.
"- Est-ce que vous êtes resté à Issy pendant la Commune, me demanda-t-il ?
– Oui mon général.
- Dans votre presbytère ?
- Oui mon général.
- M. l’abbé, vous pouvez dire que vous avez assisté à une des grandes batailles de ce temps".
– Oui mon général.
- Dans votre presbytère ?
- Oui mon général.
- M. l’abbé, vous pouvez dire que vous avez assisté à une des grandes batailles de ce temps".
« Les Versaillais avançaient à pas lent mais sûrement. Ceux de la Commune disputaient le terrain pied à pied avec courage. Il y avait surtout le soir des escarmouches très meurtrières. A voir la largeur des fossés où on enterrait les hommes, il dut y avoir beaucoup de gens tués. Le grand objectif des Versaillais était le fort d’Issy. La place de l’église devenait un point stratégique de premier ordre, les quatre routes qui y aboutissent dont la principale allait au fort, formaient comme les doigts d’une main qui enserrent tout le pays. »
Nous retrouverons l'abbé au mois de mai. En attendant, à suivre le 5 avril, à 8 h, le reportage du journaliste Edgar Monteil. PCB
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