La notion de circuits courts entre agriculteurs et consommateurs se développe depuis plusieurs années. Elle est un soutien pour les petits producteurs et réduit les longs déplacements de camions et d’avions, sur des centaines, voire des milliers de kilomètres. Cela prend la forme de ventes à la ferme ou sur des marchés, mais aussi la livraison hebdomadaire de paniers. La logistique pour les denrées alimentaires est toujours essentielle et encore plus lors d’une période de pandémie comme celle de 2020. Alors, après les vignes d'Issy, découvrons ses terres agricoles.
L'agriculture en 1902
Au début du XXe siècle, Issy-les-Moulineaux est devenue une ville industrielle mais a gardé une activité agricole diversifiée comme le montrent des statistiques de 1902. La superficie de la commune est alors de 490 hectares dont 63 pour le Champ de Manœuvre (Héliport de Paris). On compte 66 hectares de terres cultivées soit 13,5 % du total avec, en outre, 5 hectares de « landes et terres incultes » et 2 hectares de bois. Seul un tiers du territoire est bâti, comme le montrent les plans de la commune à cette époque.
A commencer par celui du
quartier Val de Seine (
ci-dessous). Des parcelles cultivées sont nettement visibles de part et d’autre des deux lignes ferroviaires de l’époque (lignes actuelles du T2 et du RER). Le nom de « Champs Chardon » est sans doute celui d’un propriétaire. Le rond-point de l’Abreuvoir est l’actuel rond-point du Président Schuman.
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Quartier Val de Seine, en 1902. |
Puis celui duquel
quartier des Arches (
ci-dessous). Deux triangles agricoles sont proches l’un de l’autre. Au nord, celui des Ponceaux (coquelicots) entre les actuelles rues Aristide Briand, Jean-Jacques Rousseau et le boulevard Garibaldi. Au sud, les Prés Coutances entre la rue Aristide Briand, l’avenue de Verdun et le cours Saint-Vincent qui sépare les prés de la cartoucherie Gévelot à l’Ouest.
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Quartier des Arches, en 1902. |
Les 66 hectares de terres cultivées se répartissent en 52 hectares de cultures maraîchères, activité de loin la plus rémunératrice ( rapportant 1,8 million de francs-or par an ), 9 ha de « terres labourables », 4 ha d’herbages et un seulement de vigne. Pour les céréales, la récolte est de 18 quintaux de
blé (sur 2 ha), 54 quintaux d’
avoine (sur 6 ha) et 12 quintaux de
seigle (sur 1 ha). Le fourrage pour nourrir les animaux est de 240 quintaux de
luzerne sur 4 hectares et 2,40 quintaux de
betteraves fourragères sur une surface identique. Les cultures maraîchères produisent 240 quintaux sur 40 hectares et l’horticulture la même quantité sur 2 hectares seulement.
Trois légumes sont privilégiés : les
pommes de terre - ci-dessous - avec 320 quintaux (sur 4 ha), les
haricots - ci-contre - (20 quintaux sur un hectare) et les
pois (10 quintaux sur un hectare). Le témoignage d’une famille de maraîchers, les Guitonnet, paru sur le site en octobre 2018 (
http://www.historim.fr/2018/10/la-famille-guitonnet-des-maraichers.html), est particulièrement précieux pour connaître cette époque.
Outre les cultures, il y a l’
élevage : 440 chevaux (pour les labours et les transports), 180 vaches laitières (produisant 4500 hectolitres de lait) et un taureau, 30 porcins et 14 chèvres et boucs.
Cultures et prés se trouvent essentiellement dans la plaine limitée par la Seine et l’axe de la rue Renan à l’avenue de Verdun mais aussi sur les hauteurs autour du Fort (zone inconstructible). On y trouve des lieux-dits au nom significatif comme celui des Longues-Raies (lignes cultivées entre deux sillons) entre l’avenue de la Paix et le Fort.
Depuis 1902.
Au cours du XXe siècle, la ville s’est de plus en plus urbanisée et industrialisée puis tertiarisée, faisant quasiment disparaître l’activité agricole. Il reste toutefois
les ceps du Chemin des Vignes avec la vendange annuelle par des écoliers de la commune. D’autre part, des
jardins familiaux existent au bout de l’Île Saint Germain ainsi que des jardins privés. De plus en plus, on aménage un peu partout dans la ville des jardins partagés ainsi que des composteurs collectifs pour enrichir le sol sans oublier des lopins réservés dans certaines écoles comme l’école primaire Voltaire.
Les noms du terroir qui ont subsisté.
La vie rurale est encore très présente dans la toponymie isséenne.
Deux quartiers ont un nom évocateur : celui de
la Ferme en raison d’une ferme vendant du lait jusque dans les années 1960, et celui des
Épinettes. Ce mot en viticulture désigne une variété de raisin blanc.
Par ailleurs, les exemples sont nombreux dans
la nomenclature des rues. Il y a les allées des Cerisiers, du Clos (terrain cultivé entouré de murs), des clos Girard et du Munier, des Coutures (terrains de grande culture), de la Ferme, de Grenelle (synonyme de garenne pour les lapins) et des Maraîchers. Le chemin des Vignes n’est pas loin du cours Saint-Vincent qui honore le patron des vignerons. Il y a le passage de la Plante-Marande, ancien lieu-dit près du Fort et la place des Tilleuls en contrebas.
La promenade des Jardiniers de l’Île n’est pas très proche de la promenade du Verger au Fort. Il y a la rue Parmentier (pour la pomme de terre largement produite autrefois) et la rue du Ponceau (nom commun du coquelicot,
ci-dessus). Pour en finir avec cette liste, les sentiers comme celui des Épinettes et le sentier des Loges qui fait peut-être référence aux loges, petites cabanes de vignerons ou de jardiniers.
D’autres noms évoquent l’activité agro-alimentaire comme la rue du Moulin de pierre, le Chemin du Moulin, ou celle de la Biscuiterie sans oublier l’allée de la Brasserie. Les bâtiments de celle-ci sont utilisés d’ailleurs de nos jours par les serres municipales, avenue de Verdun.
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Le Repos du Soir. © P. Maestracci |
Quant au
Repos du soir, une sculpture de Coutheilles de 1930, elle mérite un arrêt particulier (
http://www.historim.fr/2011/02/le-repos-du-soir.html). Un couple de paysans en sabot avec leur enfant rend hommage à la vie traditionnelle dans les campagnes. C’est une vision nostalgique car l’œuvre date de l’entre deux-guerres. Elle ornait la Résidence Lasserre avant son déménagement rue Séverine. La sculpture a été réinstallée à l’angle de cette rue et de l’allée Saint-Sauveur. Un repos bien mérité…
P. Maestracci