6 janvier 2020

Témoignage de Suzanne, une Isséenne inconditionnelle

Suzanne, venue assister à une conférence d’Historim, a parlé de son enfance isséenne quand elle allait chercher le lait à la ferme. Son témoignage permet d’en savoir plus.

Suzanne.
Son enfance
Ses grands-parents, Thérèse et Léonce Robin, sont arrivés à Issy-les-Moulineaux en 1902. Ils habitent d’abord rue Camille Desmoulins où ils subissent la crue de la Seine en 1910. Ils déménagent ensuite pour résider 41 rue Rouget de Lisle. Léonce, peintre en bâtiment de formation, travaille à la Compagnie Générale d’Électricité, rue Bara. Sa fille Anne Odette épouse Joseph à l’église Saint-Étienne. Le couple habite Savigny s/Orge et a deux enfants, Suzanne et Gilbert. La très mauvaise santé du père fait que les enfants passent de longues semaines chez leurs grands-parents à Issy-les-Moulineaux. Leur grand-mère les promenait vers le tout proche champ de manœuvres (actuel Héliport) où « il y avait de temps en temps des chevaux à l’entraînement ». Dans ce cas, le terrain leur était interdit.

Léonce, le grand-père.
En hiver pendant les années 1936/39 « Les Saint-Nicolas défilaient en uniforme avec une fanfare de la Mairie d’Issy à la Porte de Versailles ». Suzanne et son frère profitaient du « manège à Corentin Celton sauf quand on avait renversé la boîte à lait. » [Nom de Corentin Celton seulement après la guerre ]. En effet, Suzanne et son frère allaient chercher le lait à la ferme. Ils passaient par le boulevard Gallieni, l’avenue de Verdun [partie correspondante à l’avenue Victor Cresson] la rue Aristide Briand, la rue Jean-Pierre Timbaud où il y avait une ferme avec « des vaches dans une étable ». Parfois, la famille « allait dire bonjour aux amis et prendre du lait dans une ferme voisine » au Point-du-Jour entre Paris et Boulogne-Billancourt [zone de l’actuel boulevard périphérique].

Guerre de 1939/0945

Joseph, le père de Suzanne se sachant très malade « voulait protéger ses enfants. ». La famille essaie de rejoindre l’Aveyron en prenant le train en septembre 1939. Ils sont « partis avec un sac à main et un sac de voyage… Ils sont montés dans n’importe quel train qui allait vers le sud. Les vitres et les ampoules du wagon étaient peintes en bleu ». Le train s’arrêta à Vierzon et ils durent attendre longtemps avant d’en avoir un pour Montauban. Leur périple s’achève « dans un genre de taxi au gazogène qui les emmène à Réalmont S/Tarn, un gros bourg où réside un ami d’enfance de mon père ». La famille est logée en « plein centre face à l’église » Le père y décède en janvier 1940, des suites de ses blessures de la Grande Guerre. 

Joseph, le père, dans son costume
d'avoué.
Suzanne se souvient des « jeunes Allemands qui tuaient les poissons avec des grenades dans la rivière. ». Avec la maladie puis la mort de son mari , la maman Anne Odette complète sa pension de veuve de guerre avec « des petits boulots : garde d’enfants, couture à domicile». De plus, une famille de fermiers lui fournit généreusement « des œufs, un poulet de temps en temps ». Suzanne est restée en contact avec leur fils Jacques. En août 1944, lors de la Libération, des maquisards avertissent la population de Réalmont que les soldats allemands sur la défensive vont traverser le village sur la route Albi-Castres. Tous se réfugient dans les cabanes des vignes. En hâte, sa « maman n’a pris qu’une sacoche » mais la colonne ennemie passe avant la nuit, ce qui a permis le retour dans les foyers. 


Anne Odette, la mère, à
la Belle Époque.

 Retour à Issy-les-Moulineaux
 La mère et les enfants rentrent au début des années 1950 car le grand-père, veuf depuis 1937, est gravement malade. La maman de Suzanne enseignait le piano et le chant avant son mariage. Son piano Gaveau et le tabouret sont désormais chez les petits-enfants. Suzanne ajoute : « Notre mère, on la vénérait, on a eu beaucoup de chance : des études, de l’éducation stricte. ». Celle-ci reprend le bail du logement familial après la mort de son père mais par la suite, Suzanne dut déménager et changer de quartier.
Toujours dans les années 1950, Suzanne se souvient des Blanchisseries de Grenelle et de la piscine en plein air sur « un terrain vague » en face du 41 rue Rouget de Lisle. Depuis plusieurs décennies, des logements sociaux occupent cet emplacement mais jouxtent la piscine couverte Alfred Sevestre !

Vie professionnelle
Le frère de Suzanne travaille comme dessinateur industriel dans la même entreprise que son grand-père avant de faire ses 28 mois de service militaire et de revenir travailler chez EDF. Il y finit brillamment sa carrière comme ingénieur. Quant à elle, elle obtient son baccalauréat mais ne peut aller faire des études payantes trop coûteuses à l’école Montessori à Toulouse. Elle suit alors des études commerciales avec sténographie et comptabilité puis réussit le concours de la fonction publique pour entrer à l’ONACVG (Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre). Elle travaille d’abord à Albi avant sa mutation quelques années après à l’Hôtel des Invalides. Elle redevient isséenne avec bonheur.
Intérieur de l'église Saint-Benoît.
Son quartier de Corentin Celton
« Je m’y plais beaucoup car j’y suis depuis longtemps, indéracinable. » Elle se souvient de l’épicerie Félix Potin à l’angle des rues Jeanne d’Arc et Foucher Lepelletier, remplacée depuis par une pharmacie. Elle a connu l’entreprise SEV Marchal remplacée par le siège social de La Poste à côté de bureaux « pour l’industrie » vers le rond-point Victor Hugo.
Pour finir, Suzanne parle de l’église Saint-Benoît rue Séverine. Ce fut d ‘abord « la petite chapelle d’un couvent avec un vieil immeuble pour le presbytère. Les scouts avaient un local au dernier étage et faisaient beaucoup de bruit dans l’escalier en bois ». Les quatre prêtres disposaient d’une cuisine et d’une salle à manger. Une dame s’occupait de leurs repas et du ménage. ». Sur le terrain, il y avait « des locaux minables, des petites granges et une salle de théâtre au milieu avec le plancher de la tribune en très mauvais état ». Le musicien Pierre Séjourné, dont le père médecin résidait Villa Marguerite et lui-même rue Renan, était en charge de la chorale et des concerts. Tout a été démoli dans les années 1960 avec une église en sous-sol, une vaste cour entourée de salles et d’un immeuble résidentiel en forme de L Les ecclésiastiques logent dans un bâtiment bas le long de la rue Séverine.

Un grand merci à Suzanne pour son témoignage émouvant et à son amie Denise B. P. Maestracci

Aucun commentaire: