Arsène Tchakarian. © A. Bétry |
Le 4 août 2018, Arsène Tchakarian (ci-contre), le dernier survivant du Groupe Manouchian, est mort à l’âge de 101 ans. Inhumé au cimetière d’Ivry, il a rejoint ses amis fusillés le 21 février 1944. Revenons sur leur histoire.
Missak Manouchian (photo en bas), né en 1906 dans l'Empire ottoman, a profondément été marqué par son origine arménienne, d'autant plus qu'à l'âge de neuf ans il voit ses parents et une bonne partie de sa famille massacrés par les Turcs. Il est recueilli avec son frère dans un orphelinat, en Syrie, pays sous mandat français, ce qui le conduit tout naturellement en métropole en 1925. Cet ancrage identitaire se retrouve dans son engagement politique et culturel : il fonde deux revues littéraires et rejoint le Parti Communiste Français (PCF) en 1934. Cette convergence se fait sans difficulté, car le PCF offre alors, avec l'organisation syndicale la MOI (Main-d'Œuvre Immigrée), un vecteur d'intégration dans la société française. Il prend, après la débâcle, la direction de la section arménienne de la MOI. Mais il est surtout connu pour sa résistance militaire : en février 1943, il rejoint les FTP-MOI (Francs Tireurs Partisans) et, en août, en devient responsable militaire pour la région parisienne. Après des mois de filature, le groupe est démantelé, 23 membres sont arrêtés en novembre. Jugés en février 1944, ils sont condamnés à mort le 21 février 1944 et exécutés le jour même au Mont Valérien.
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« L'Affiche rouge » (ci-dessus) est placardée à ce moment-là. En diffusant cette affiche de propagande, les autorité allemandes espèrent déconsidérer les actions du Groupe Manouchian auprès de la population. Contrairement au but recherché, l'affiche provoquera un mouvement de sympathie dans la population et restera comme le symbole du combat des étrangers contre l'occupant.
« Je meurs en soldat régulier de l'armée française de libération » : tels sont quelques mots de la dernière lettre que Missak Manouchian adresse à sa femme, Mélinée, avant d'être exécuté, au Mont Valérien, le 21 février 1944. Une lettre qui inspirera, comme « l'Affiche rouge », le poème d'Aragon, immortalisé par Léo Ferré (ci-dessous).
"…Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre…"
(Pour en savoir plus : www.historim.fr/2012/02/un-homme-volontaire-reponse.html)