Éliane continue de nous relater ses souvenirs. Nous sommes restés
devant l'église Saint-Étienne.
La Maison de Repos aujourd'hui, vue des jardins. © A. Bétry |
Un grand jardin en terrasses est à la disposition des convalescentes qui peuvent également, si elles le désirent, aller se recueillir à la chapelle qui date, dit-on de l’époque Louis XIV. Sa profusion de dorures, de marbres luisants, son parfum d’encens, de cire, ses cierges à la lueur tremblante. Toute cette atmosphère nous transporte en effet dans un autre siècle !
En face sur le côté droit après la petite maison du bedeau, commence un long mur gris qui s’arrête brusquement pour laisser place à un bâtiment tout gris lui aussi percé de quelques fenêtres [Il s'agit de la Solitude - Pascale]. J’ai toujours pensé que ce bâtiment ressemblait à une prison. Y séjournaient quelquefois des prêtres de passage. Après cette coupure, le mur gris reprend la descente et cette fois, c’est une porte en fer qui l’arrête dans sa course. Pour nous, enfants des Écoles Libres ou des Patronages, cette porte s’ouvre deux fois par an : le dimanche matin avant la Fête-Dieu et l’après-midi du dimanche suivant. La procession de la Fête-Dieu dans les jardins du Grand Séminaire (ci-dessous) peut commencer.
En face sur le côté droit après la petite maison du bedeau, commence un long mur gris qui s’arrête brusquement pour laisser place à un bâtiment tout gris lui aussi percé de quelques fenêtres [Il s'agit de la Solitude - Pascale]. J’ai toujours pensé que ce bâtiment ressemblait à une prison. Y séjournaient quelquefois des prêtres de passage. Après cette coupure, le mur gris reprend la descente et cette fois, c’est une porte en fer qui l’arrête dans sa course. Pour nous, enfants des Écoles Libres ou des Patronages, cette porte s’ouvre deux fois par an : le dimanche matin avant la Fête-Dieu et l’après-midi du dimanche suivant. La procession de la Fête-Dieu dans les jardins du Grand Séminaire (ci-dessous) peut commencer.
Le Grand Séminaire et ses jardins. © A. Bétry |
D’abord les petites filles, le front ceint d’une couronne blanche, portent fièrement dans une corbeille attachée par un ruban soyeux autour de leur cou des pétales de roses et de pivoines qu’elles jetteront tout à l’heure devant les reposoirs. Suivent les petits garçons , un lys ou un cierge à la main, les communiants et communiantes de l’année dans leurs habits frais repassés et enfin les séminaristes, soutane noire et surplis blanc, telle une colonne de dominos précédant le prêtre portant l’Eucharistie, recueilli, sous un dais d’argent. Les paroissiens chantent de tout leur cœur, les petits filles n’ont plus de fleurs dans leur corbeille, les lys des petits garçons se fanent déjà. Qu’importe, elle était belle notre procession !
À la sortie de ce grand jardin, nous suivons de nouveau un mur puis un commerce de coutellerie et parapluies ainsi que quelques immeubles avant d’arriver en bas de cette rue Minard où se trouve la chapelle du Grand Séminaire sur l’autre trottoir. Celui-ci a été construit à l’emplacement d’un château qu’avait acquis Marguerite de Valois (la reine Margot) en 1606 où elle séjourna jusqu’à la fin de sa vie. C’est dire le style et les richesses que comporte ce monument où le public n’a accès que dans les « grandes occasions ! »
Place de La fontaine. © Robert Jacques |
Après la rue Vaudétard, quelques maisons, un hôtel, la rue Minard se termine sur la place de la Fontaine, fontaine qui coule encore de nos jours (ci-contre).
Avenue Jean Jaurès. Pour descendre vers la Mairie, on passait devant la boutique des Sandra et, bien entendu, on y entrait ! Car dans cette petite épicerie s’étalait une multitude de bonbons de toutes les couleurs : boules changeantes, lacets de réglisse, roudoudous, berlingots, caramels, guimauves, petites boîtes de coco ou de réglisse Car, vendus à la pièce, 2 sous, 5 sous, à ne savoir que choisir avant de traverser l’avenue pour aller au Patronage le jeudi après-midi. L’avenue était bordée de très vieilles maisons, certaines gardaient des murs intérieurs très épais qui dataient, disait-on de l’époque Louis XIII. À côté du Patronage s’ouvrait la Pension Chap, école dirigée par des sœurs sécularisées, vêtues de longues robes grises, un ruban noir autour du cou, des cheveux gris comme leur robe et coiffés en chignon. La pension s’étirait le long de la rue Prudent Jassedé où l’on accédait par un escalier de pierre.
Avenue Jean Jaurès. Pour descendre vers la Mairie, on passait devant la boutique des Sandra et, bien entendu, on y entrait ! Car dans cette petite épicerie s’étalait une multitude de bonbons de toutes les couleurs : boules changeantes, lacets de réglisse, roudoudous, berlingots, caramels, guimauves, petites boîtes de coco ou de réglisse Car, vendus à la pièce, 2 sous, 5 sous, à ne savoir que choisir avant de traverser l’avenue pour aller au Patronage le jeudi après-midi. L’avenue était bordée de très vieilles maisons, certaines gardaient des murs intérieurs très épais qui dataient, disait-on de l’époque Louis XIII. À côté du Patronage s’ouvrait la Pension Chap, école dirigée par des sœurs sécularisées, vêtues de longues robes grises, un ruban noir autour du cou, des cheveux gris comme leur robe et coiffés en chignon. La pension s’étirait le long de la rue Prudent Jassedé où l’on accédait par un escalier de pierre.
La fontaine de la rue Prudent Jassedé a été remplacée en 1991. Le lavoir a disparu…© A. Bétry |
À gauche, des petites maisons blotties les unes contre les autres ; à droite, les hauts murs de la pension percés de quelques rares fenêtres et soudain, au milieu de la rue, surgie de nulle part, une fontaine (ci-contre)! Bienheureuse eau offerte aux habitants de cette rue dont les logements vétustes n’avaient pas les commodités actuelles… Pour preuve, un peu plus bas dans la rue à droite, une autre fontaine alimentait un « lavoir public », ancêtre de nos bien utiles machines à laver !
L’avenue Jean Jaurès semblait ignorer cette vieille rue ; elle continuait à descendre doucement, s’attardait un moment devant « la Maison Lasserre » (ci-dessous), son jardin, ses vieillards assis sur quelques bancs. Moi-même, je passais vite devant cet Hospice puis devant Micatub, une petite usine qui fabriquait des tubes en verre, pour regarder les affiches et les photos en noir et blanc, comme les films de cette époque, que nous proposait le cinéma l’Alhambra. Je découvrais les visages des acteurs de ce temps-là : Yvonne Printemps, Pierre Fresnay, Tino Rossi, Charlot, Fernandel...La liste serait trop longue... c'était merveilleux.
Il s'agit de la Résidence Lasserre, transformée aujourd'hui en appartements. Coll. particulière. |
Presque arrivés à la Mairie, une boucherie séparait l’imprimerie Bertrand de la librairie Bertrand où l’on trouvait les cahiers, les ardoises, les porte-plume, les gommes, les crayons, bref, tout le matériel du bon écolier mais également le jeudi Le Journal de Mickey, Lisette, La Semaine de Suzette etc., la presse des jeunes d’avant la guerre (ci-dessous).
XDR |
© XDR |
Je termine cette longue énumération par le trottoir face à la station de métro « Mairie d’Issy » tout nouvellement ouverte aux Isséens. Après la librairie Bertrand, une charcuterie « faisait le coin » suivie de la grande épicerie À la Grâce de Dieu tenue par les époux Robert. Une senteur de café grillé venant du fond de la boutique emplissait tout le magasin et allait même chatouiller le nez des passants tant cette odeur était tenace et agréable à la fois. Une crémerie nous offre son beurre en mottes, ses fromages etc. et, enfin Le Café des Colonnes, futur rendez-vous de la jeunesse d’Issy. C’est ainsi que se termine mon pèlerinage à travers les rues de mon quartier et de ma jeunesse.
Encore quelques anecdotes.
Au temps des voitures hippomobiles, il n’était pas rare de voir les propriétaires des maisons entourées de jardins aller ramasser le crottin des chevaux qui s’étaient « soulagés » sans vergogne. C’était surtout après le passage de l’escadron à cheval des Gardes républicains que la « récolte » était abondante. Dans la rue Pierre Brossolette, qui s’appelait alors rue de l’Égalité, passaient tous les convois funèbres de la commune. Corbillard noir tiré par des chevaux noirs dirigés par un cocher tout de noir vêtu suivi par une famille endeuillée, voile de crêpe et brassard noir, le triste cortège marchait lentement, au pas des chevaux. Après son passage, un petit Monsieur, en cotte bleue, sortait vite, vite, nanti d’une pelle et d’un seau pour ramasser avec une jubilation certaine les petites boules jaunes laissées par les chevaux noirs ! Le contraste entre ces deux scènes était tel que l’on ne pouvait que sourire et penser que « rien ne se perd » même dans les plus tristes circonstances.
Autre anecdote. Mes beaux-parents louaient un terrain situé à l’angle des rues Jules Guesde et d’Alembert. Un jour de jardinage, ma future belle-mère et son fils (mon futur mari alors petit garçon) trouvèrent enfouis dans la terre des boutons qui provenaient des uniformes que portaient les soldats pendant la guerre de 1870. Y a-t-il eu une bataille sur ces lieux ? Aux historiens d’y répondre. Quant à moi, je ne sais pas ce que sont devenus ces boutons !
Un grand merci à Éliane pour ses souvenirs inoubliables. Pascale Maestracci.
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