Finies les vacances, vive la rentrée… et les
témoignages d'Isséens, comme celui que nous évoquons ici à travers cet entretien
Deux habitantes de l’impasse Wagner (donnant rue Pierre Brossolette), Véronique L et Valérie S ayant emménagé l’une et l’autre au tournant du siècle (janvier 2000) dans deux maisons situées en vis-à-vis, ont rédigé en 2005 un livret de 30 pages sur l’impasse, son passé, ses habitants d’alors afin de préserver la mémoire de ce quartier populaire à la fois pour les nouveaux habitants et pour les générations futures. Cet article a été déposé au musée d’Issy où il peut être consulté.
Historim : Combien d’entretiens avez-vous réalisés ? Y a-t-il eu des difficultés, récurrentes ou ponctuelles ?
Nous avons réalisé une douzaine d’entretiens, certaines personnes étant revues plusieurs fois au fur et à mesure de l’avancement de nos travaux et de notre questionnement. Nous n’avons rencontré aucune difficulté particulière car les "anciens" se connaissaient tous assez bien et pour plusieurs d’entre eux avaient même des liens familiaux. Ils avaient plein de souvenirs et d’anecdotes à nous confier et cela leur permettait de faire revivre toute une époque très conviviale même si elle avait été rude et difficile matériellement. Et puis aussi de dire des choses qui partiraient en même temps qu’eux et qui étaient leur vie.
Historim : Avec votre voisine, comment s’est passée la co-écriture ?
Nous avons décidé du plan de l’article, du planning de notre enquête ensemble et nous avons effectué les entretiens le plus souvent à deux, en prenant des notes à la main. Étant habituée à écrire de par mon métier, je me suis chargée de la rédaction avec toujours le regard et l’intervention de Valérie, car nous avons tout fait en parfaite entente, accord et harmonie. Cela nous intéressait et amusait beaucoup et cela a resserré les liens entre nous et avec tout le voisinage. Repas de quartier chaque année en juin (avec même les premières années la présence d’André Santini), une gazette, bavardages dans la ruelle, petits coups de main à droite et à gauche, partage des produits des potagers, etc. La vie de village avait repris un peu comme "au bon vieux temps" et ce fut une période très chaleureuse et active.
Oui bien sûr. Parler des maisons et de leur construction était une partie centrale de notre projet car chacun avait soit construit la sienne, soit en connaissait l’histoire et parlait de ses propres aménagements. Tout était très précis et argumenté car l’histoire de l’impasse remonte aux années trente et les souvenirs des anciens étaient encore très présents.
Historim applaudit une telle démarche de sauvegarde du patrimoine social et culturel Isséen et a souhaité approfondir les conditions dans lesquelles cette recherche a été effectuée, à titre de "bonne pratique" susceptible de donner des idées à nos lecteurs.
Historim : Comment est née cette idée d’écrire sur le passé de votre rue et sur ses habitants ? Y avait-il une urgence ?
Valérie et moi venions de Paris et avons été charmées par le mode de vie encore très villageois de cette petite impasse calme et presque familiale. L’impasse était encore habitée par nombre d’"anciens" qui en furent les fondateurs et constructeurs.
Jardins des maisons de l'impasse. |
J’ai moi-même acheté ma maison à l’un des premiers habitants, considéré par tous comme l’âme du quartier et qui venait de décéder à l’âge de 90 ans. J’y ai fait nombre de travaux car la maison remontait aux années 1930 et avait été construite à la main et, quel qu’en soit le charme, elle méritait d’être sérieusement revue et corrigée… Mais j’ai senti que tous les voisins m’avaient à l’œil et surveillaient de très près les transformations que je faisais car j’habitais "la maison de Monsieur Franck" et me devais de respecter la mémoire des lieux. Valérie et moi avons réalisé que ce que nous faisions nous-mêmes dans nos maisons respectives allait être le lot de tout le quartier et nous avons décidé d’en faire un état des lieux et de fixer par écrit son histoire avant qu’il ne se transforme complètement.
L'impasse Wagner. |
Historim : Devant un tel projet, par quel bout commencer : l’information des voisins, les interviews, la recherche d’archives, de cartes postales, etc.. ? Quel plan d’action avez-vous élaboré ? Quel délai vous donniez-vous ?
Nous nous donnions de six mois à un an, le temps de faire le tour de toutes les maisons et d’en comprendre l’implantation et comment on y vivait. Ayant déjà tissé des liens amicaux avec le voisinage, nous avons donc été trouver chaque maisonnée pour présenter notre projet et leur demander s’ils pouvaient et aimeraient y participer. Leur accueil a été, à une exception près, extrêmement enthousiaste, car chacun semblait heureux de faire revivre une certaine époque dont il voyait bien qu’elle touchait à sa fin. Il n’y avait pas d’archives publiques, seulement quelques archives familiales conservées par l’un ou l’autre, donc nous avons procédé par rencontres et entretiens approfondis.
Historim : Combien d’entretiens avez-vous réalisés ? Y a-t-il eu des difficultés, récurrentes ou ponctuelles ?
Nous avons réalisé une douzaine d’entretiens, certaines personnes étant revues plusieurs fois au fur et à mesure de l’avancement de nos travaux et de notre questionnement. Nous n’avons rencontré aucune difficulté particulière car les "anciens" se connaissaient tous assez bien et pour plusieurs d’entre eux avaient même des liens familiaux. Ils avaient plein de souvenirs et d’anecdotes à nous confier et cela leur permettait de faire revivre toute une époque très conviviale même si elle avait été rude et difficile matériellement. Et puis aussi de dire des choses qui partiraient en même temps qu’eux et qui étaient leur vie.
Geneviève, Huguette, Simone et Jeannette. |
Historim : Avec votre voisine, comment s’est passée la co-écriture ?
Nous avons décidé du plan de l’article, du planning de notre enquête ensemble et nous avons effectué les entretiens le plus souvent à deux, en prenant des notes à la main. Étant habituée à écrire de par mon métier, je me suis chargée de la rédaction avec toujours le regard et l’intervention de Valérie, car nous avons tout fait en parfaite entente, accord et harmonie. Cela nous intéressait et amusait beaucoup et cela a resserré les liens entre nous et avec tout le voisinage. Repas de quartier chaque année en juin (avec même les premières années la présence d’André Santini), une gazette, bavardages dans la ruelle, petits coups de main à droite et à gauche, partage des produits des potagers, etc. La vie de village avait repris un peu comme "au bon vieux temps" et ce fut une période très chaleureuse et active.
La gazette. |
Repas de quartier. |
Historim : Avez-vous abordé le volet architectural de la rue, fait des photos ?
Oui bien sûr. Parler des maisons et de leur construction était une partie centrale de notre projet car chacun avait soit construit la sienne, soit en connaissait l’histoire et parlait de ses propres aménagements. Tout était très précis et argumenté car l’histoire de l’impasse remonte aux années trente et les souvenirs des anciens étaient encore très présents.
Les maisons de l'impasse. |
Nous avons pris des photos depuis certaines terrasses pour avoir une vue d’ensemble des maisons et de leurs jardins mais cela restait assez difficile car le terrain initial qui appartenait à Monsieur Wagner, un "glaiseux" [c'est-à-dire un exploitant de carrières de glaise], avait été partagé en lanières longitudinales avec les maisons sur le devant et, à l’arrière, les jardins potagers assortis de toutes sortes de dépendances, ateliers, et abris de jardin. Et les maisons en question sont de petites maisons avec un ou deux étages maximum, assorties d’ajouts au fil du temps, le tout à la bonne franquette et plutôt de guingois. Ce qui en fait, mais on peut dire aujourd’hui en "faisait" le charme.
Vue panoramique. |
Historim : Un an après le lancement, comment avez-vous procédé au "rendu" de l’étude à vos voisins ?
Nous avons fait plusieurs tirages de photos et photocopies du livret que nous avons distribué à celles et ceux que cela pouvait intéresser. Mais il faut préciser que parmi les personnes interrogées, nombre ne lisaient pas ou plus, leur seul mode de communication étant l’oralité et…le sourire.
En revanche, j’ai informé le Musée français de la Carte à Jouer de notre travail et l’un des conservateurs, Florian Goutagneux, a exprimé son intérêt. Un exemplaire s’y trouve donc. Le titre que nous lui avons donné est : Il était une fois…l’impasse Wagner.
Historim : Onze ans sont passés depuis ce travail et de nouveaux habitants se sont installés dans votre petite rue. Avez-vous continué à distribuer votre livret à ces nouveaux arrivants ?
Mon amie Valérie a quitté le quartier il y a plusieurs années, emportant avec elle notre tandem et notre dynamisme à deux. En effet, ce serait une très bonne idée de le faire connaître aux nouveaux arrivants et de le leur envoyer par mail puisque c’est maintenant le mode de communication de tous, même au fin fond de notre impasse. Ah, si nos anciens savaient cela, ils diraient, ils chanteraient…
Nous avons fait plusieurs tirages de photos et photocopies du livret que nous avons distribué à celles et ceux que cela pouvait intéresser. Mais il faut préciser que parmi les personnes interrogées, nombre ne lisaient pas ou plus, leur seul mode de communication étant l’oralité et…le sourire.
En revanche, j’ai informé le Musée français de la Carte à Jouer de notre travail et l’un des conservateurs, Florian Goutagneux, a exprimé son intérêt. Un exemplaire s’y trouve donc. Le titre que nous lui avons donné est : Il était une fois…l’impasse Wagner.
Historim : Onze ans sont passés depuis ce travail et de nouveaux habitants se sont installés dans votre petite rue. Avez-vous continué à distribuer votre livret à ces nouveaux arrivants ?
Mon amie Valérie a quitté le quartier il y a plusieurs années, emportant avec elle notre tandem et notre dynamisme à deux. En effet, ce serait une très bonne idée de le faire connaître aux nouveaux arrivants et de le leur envoyer par mail puisque c’est maintenant le mode de communication de tous, même au fin fond de notre impasse. Ah, si nos anciens savaient cela, ils diraient, ils chanteraient…
Des photos comme témoignages. |
Historim : Y aurait-il lieu d’actualiser ce travail, notamment sur le volet architectural avec les modifications effectuées par ces nouveaux arrivants ?
Ah oui certainement car, en dix ans, l’impasse s’est totalement modifiée. Les anciens sont tous décédés, leurs maisons revendues et pour la plupart complètement transformées. Y sont ajoutées des surélévations, des vérandas, des toitures arrondies, etc… Depuis plusieurs années, l’impasse est en chantier permanent, certaines maisons deviennent même de petits immeubles, et de la jeune arrivante que j’étais il a quinze ans, je suis devenue, au même titre que mon prédécesseur, la doyenne ou presque. A défaut d’en être l’âme….
Ah oui certainement car, en dix ans, l’impasse s’est totalement modifiée. Les anciens sont tous décédés, leurs maisons revendues et pour la plupart complètement transformées. Y sont ajoutées des surélévations, des vérandas, des toitures arrondies, etc… Depuis plusieurs années, l’impasse est en chantier permanent, certaines maisons deviennent même de petits immeubles, et de la jeune arrivante que j’étais il a quinze ans, je suis devenue, au même titre que mon prédécesseur, la doyenne ou presque. A défaut d’en être l’âme….
Interview réalisé par JP- merci à véronique L