Nous avons consacré un certain nombre d'articles à la Commune de Paris et les dégâts occasionnés dans la commune d'Issy en mai 1871 : combats du Fort, destruction du château des Conti et du Séminaire, etc. Nous voici plongés au sein même d'une réunion, organisée le 6 mai 1871 en Comité secret, des membres du Conseil de la Commune. Il est question d'Issy et de ce Comité de Salut public mis en place le 1er mai 1871, non sans une forte opposition des membres du Conseil de la Commune. Ses attributions ne sont pas précisées et provoquent alors des discussions et une remise en cause du premier comité. Un second comité sera élu le 8 mai. Mais sans grande réussite. En voici quelques extraits.
Félix Pyat, [avocat, journaliste, élu le 26 mars au Conseil de la Commune, fait partie du Comité de Salut public du 1er au 8 mai] prend la parole.
Félix Pyat |
Ce n’est pas comme membre du Comité de salut public que je demande la parole. Je ne la demande que pour m’expliquer sur le fait d’avoir donné l’ordre de déplacer des généraux. Là-dessus, j’ai déclaré que je n’avais pas signé d’ordre de cette nature et que j’ignorais absolument qu’on en eût donné ; on m’a produit alors une pièce au bas de laquelle se trouve ma signature : tous ceux qui ont fait partie d’une commission exécutive savent que l’on a tant de signatures à donner qu’il est absolument impossible de lire toutes les pièces que l’on a à signer. Je ne dis pas cela pour m’excuser, remarquez bien ; pour moi, le point capital est ceci : Même en supposant que j’eusse eu, malgré la fatigue, pleine connaissance de la pièce, cette pièce est en complète conformité avec la déclaration que j’ai faite, attendu que Wroblewski [Walery Wroblewski, nommé par le conseil de la Commune commandant des fortifications entre Ivry et Arcueil] était chargé de la défense d’Issy ; donc il n’y a pas eu de déplacement.
Gustave Paul Cluseret |
Maintenant je déclare que la Commission exécutive, que nous avons eu l’honneur de remplacer, a fait arrêter Cluseret [Gustave Paul Cluseret, délégué à la Guerre de la Commune de Paris] à la suite des événements d’Issy. Vous-même, Commune, tout à l’heure, vous étiez sur le point de faire déposer dix canons sur les remparts…
Un membre : Elle en a le droit.
Félix Pyat : Oui, vous en avez le droit, mais, quand j’ai demandé qu’on délimitât mes pouvoirs, pourquoi m’a-t-on répondu que nous avions des pouvoirs illimités ? Nous n’avons pas, du reste, usé de ces pouvoirs, je le répète, puisque nous n’avons pas déplacé un général ; nous avons dit simplement: «Veillez à votre poste. »
Dominique Régère [élu membre au Conseil de la Commune le 26 mars, vote pour la création du Comité de Salut public, est arrêté après la Semaine sanglante] répond :
Félix Pyat : Oui, vous en avez le droit, mais, quand j’ai demandé qu’on délimitât mes pouvoirs, pourquoi m’a-t-on répondu que nous avions des pouvoirs illimités ? Nous n’avons pas, du reste, usé de ces pouvoirs, je le répète, puisque nous n’avons pas déplacé un général ; nous avons dit simplement: «Veillez à votre poste. »
Dominique Régère [élu membre au Conseil de la Commune le 26 mars, vote pour la création du Comité de Salut public, est arrêté après la Semaine sanglante] répond :
Dominique Régère. |
J’entends défendre le Comité de salut public d’une manière absolue. Je ne m’occupe pas des personnalités ; je ne parlerai qu’au point de vue des principes. Je dois dire que mes amitiés personnelles sont surtout du côté des hommes que je combats. Un vote a eu lieu, l’on a constitué un Comité .de salut public et l’on a nommé le personnel de ce Comité, et, avant que ce Comité se soit assis, avant qu’il ait fait un seul de ces actes de salut qu’on lui demande, on l’attaque; c’est d’une suprême injustice. L’on a parlé de délimitation de pouvoirs ; or, j’ai été d’accord avec ceux qui veulent que ces pouvoirs soient illimités parce que la position est suprême ! Ce Comité a donc tout pouvoir.
Walery Wroblewski. |
Que lui reproche-t-on? D’avoir fait déplacer un général; rappelez-vous la situation. Quand nous avons appris les événements dont Issy avait été le théâtre, est-ce que nous n’avons pas tous dit qu’il fallait agir énergiquement? N’étions-nous pas disposés à y aller tous ? L’on a dit à Wroblewski qui commandait la rive gauche de la Seine : «Allez, allez à Issy!» Et vous venez incriminer, mettre en cause, pour avoir donné cet ordre, le personnel tout entier du Comité de salut public. C’est de toute injustice. Le reproche n’émane du reste que des hommes qui ont combattu en principe la constitution du Comité et qui se sont abstenus quand il a été question d’en nommer le personnel.
(Aux voix. Aux voix!)
(Interruptions.)
Le Fort d'Issy, mars 1871. Walery Wroblewski, commandant des fortifications,était chargé de sa défense. Mais le 8 mai, à onze heures, le dernier défenseur quitte le fort bombardé par les Versaillais. |
Les débats vont continuer sans résultat. Pendant ce temps-là les combats s'accélèrent. Le 21 mai 1871, les Versaillais entrent dan Paris par la porte du Point du Jour à Boulogne. C'est le début de la Semaine sanglante.
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