Cela fait longtemps qu'Historim ne vous a pas fait découvrir une rue, un ensemble d'habitations, un quartier. Alors, partons dans le quartier Centre-Ville/Corentin Celton/Les Varennes, voir l'ensemble Matrat-Voisembert…
Rue Matrat, On aperçoit au pied des lampadaires, les aérations circulaires des parkings souterrains. |
Les rues privées Matrat (ci-dessus) et Voisembert (ci-dessous), longues d’environ 150 mètres, sont parallèles et situées entre la rue Georges Marie et la rue du Quatre-Septembre (ancienne rue des Glaises) limitrophe du Parc des Expositions de Paris et donc du département de la Seine. Au XVIIIe siècle, une belle propriété en ce lieu s’étendait jusqu’aux actuelles rues Renan et Michelet sans compter une extension sur la commune de Vanves. La rue Voisembert est deux fois plus large que la rue Matrat mais une partie de la rue est rétrécie par des bâtiments donnant sur d’autres voies. Ces parcelles n’ont pu visiblement pas pu être intégrées, faute d’accord de leurs propriétaires lors du lotissement.
Rue Voisembert. A l'arrière-plan, le Parc des Expositions. |
Cité des années Trente
Cet ensemble qui date de 1931 offre une disposition très fonctionnelle des espaces communs et des appartements. Il est conçu comme une cité idéale permettant l’autonomie dans un cadre très confortable.
Huit étages, parfois neuf, voire exceptionnellement dix selon les cas. En effet, les deux rues ont un dénivelé de quelques mètres, ce qui impose de rétablir un équilibre visuel avec rattrapage des niveaux décalés. Les façades offrent des lignes géométriques horizontales et verticales. La répartition des parties saillantes et des cours en retrait rythme les rues bordées par ces immeubles accolés. Paradoxalement, des éléments tels que portes et fenêtres de ces immeubles bourgeois sont identiques à ceux d’immeubles HLM parisiens.
L’intérieur des immeubles reprend les codes raffinés des périodes précédentes : portes palières à double battant, volumes spacieux, chambres de bonnes etc. Chaque immeuble se trouve entre deux cours séparées de la rue par une grille et avec au milieu les bouches d’aération des parkings.
Huit étages, parfois neuf, voire exceptionnellement dix selon les cas. En effet, les deux rues ont un dénivelé de quelques mètres, ce qui impose de rétablir un équilibre visuel avec rattrapage des niveaux décalés. Les façades offrent des lignes géométriques horizontales et verticales. La répartition des parties saillantes et des cours en retrait rythme les rues bordées par ces immeubles accolés. Paradoxalement, des éléments tels que portes et fenêtres de ces immeubles bourgeois sont identiques à ceux d’immeubles HLM parisiens.
L’intérieur des immeubles reprend les codes raffinés des périodes précédentes : portes palières à double battant, volumes spacieux, chambres de bonnes etc. Chaque immeuble se trouve entre deux cours séparées de la rue par une grille et avec au milieu les bouches d’aération des parkings.
Les parties communes
Entrées La loge des gardiens est au centre entre deux couloirs menant aux ascenseurs et escaliers. Seules quelques copropriétés ont installé des boîtes aux lettres au rez-de-chaussée. Dans les autres cas, les gardiens continuent de monter le courrier sur chaque palier.
Desserte des étages. Il y a deux ascenseurs par immeuble de part et d’autre de l’axe central. En revanche, à l’arrière, un monte-charge desservait les passerelles (ci-dessous). La fermeture de chaque palier était assurée par une grille métallique.
Arrière d'un immeuble de la rue Voisembert, avec les passerelles. |
Ces sous-sols favorisent une circulation discrète qui fut très utilisée en temps de guerre pendant un couvre-feu. Certains résidents les empruntent encore pour rendre visite à des amis.
Autonomie énergétique. Une centrale électrique alimentée par l’incinération des déchets organiques fut installée au sous-sol. Le système Garchey était alors rare et inspiré par les États-Unis. Il fallait remplir d’eau l’évier puis le vider grâce à une tige métallique pour faire descendre les déchets dans une énorme cuve en bas de chaque immeuble. Des tuyaux envoyaient l’ensemble vers la broyeuse installée dans l’immeuble du 5 Matrat. Un employé portant cuissardes gérait le tout et alimentait la chaudière. Moustiques en été, odeur puissante de la macération et de la décomposition des déchets : le système a été supprimé pour insalubrité à la fin du XXe siècle. L’électricité fut aussi produite tant qu’EDF ne fit pas valoir son monopole.
Hygiène de vie. Les toits sont plats car ils auraient dû servir de solarium. De plus, la piscine prévue au sous-sol n’a pas été construite au grand regret de certains.
Vue de la rue du Quatre-Septembre. |
Les appartements et leurs occupants
Chaque niveau comporte deux paliers distincts non communiquants ; chacun ne dessert que deux appartements à la fois. La communication en revanche est possible par la passerelle arrière. On compte donc seulement quatre appartements par niveau et trente-six en moyenne par immeuble.
Les appartements ont des portes à double battant, sont grands et disposaient d‘une lingerie qui pouvait servir de chambre. En effet, bon nombre de familles de militaires habitaient là car ceux-ci étaient proches du ministère de l’Air et du SCAN (Service des Constructions Navales avec le bassin des carènes aujourd’hui disparu) un peu plus loin vers la Seine. Les ordonnances des officiers occupaient ces chambres et disposaient d’une douche et de toilettes installées de part et d’autre des passerelles à l’arrière des immeubles. Un renfoncement sur les passerelles permettait d’installer un petit brasero à proximité des douches. Il est à noter que le ministère de la Défense inauguré en 2015 est toujours aussi proche de la résidence !
Il y eut également avant-guerre, une colonie de Russes « blancs » comme dans d’autres immeubles de la commune.
Pendant la guerre
Au cours d'un bombardement allemand en juin 1940, bombe tomba dans la cage d’ascenseur de l’immeuble au 7 rue Matrat. Une bâche de protection resta en place jusqu’en 1951, date à laquelle il y eut des réparations lors de la mise en vente d’appartements. L’ensemble Matrat-Voisembert avait des logements disponibles dans cette « zone rouge », placée sous la menace des bombardements alliés en raison de la proximité des usines Renault à Billancourt, à quelques kilomètres seulement à vol d’oiseau.
Lors des alertes aériennes, les résidents descendaient se réfugier au 2e sous-sol où avaient été formées des alvéoles formées de pierres en guise de protection. Celles-ci existent toujours mais ont été regroupées dans un coin du sous-sol ! Il était possible d’aller d’un immeuble à l’autre lors du couvre-feu en passant par les parkings.
Après 1945
Au rez-de-chaussée des rues Matrat et Voisembert, de nombreux commerces permettaient de vivre quasiment en autarcie. Rue Matrat, on trouvait le cabinet médical d’un ORL, un coiffeur au n°1et une épicerie au n°5. Rue Voisembert, il y avait encore plus de commerces : au n°1 un marchand de journaux et une boucherie, au n°3 une grande épicerie et au n°5 une pharmacie. A l’angle des rues Matrat et Georges Marie, une crémerie Le Cercle Bleu et une boulangerie (qui existe encore).
Il ne faudrait pas oublier au sous-sol la pompe à essence et le garagiste qui réparait et lavait les voitures. Tout près, un serrurier de la rue Georges Marie travaillait pour les résidents.
Aujourd'hui
Au fil des années, les façades des immeubles avaient vieilli, noirci à telle enseigne qu’un téléfilm sur le voyage de Sartre et Simone de Beauvoir à Moscou fut tourné dans les deux rues Matrat et Voisembert. Une banderole ornée du portrait de Lénine avec marteau et faucille barrait la rue. Les immeubles noircis fournissaient un décor crédible mais depuis, un ravalement a permis de retrouver la pureté originelle des façades.
La plupart des commerces ont disparu et les boutiques des deux rues remplacées par des appartements lors du ravalement il y a quelques années. Il reste toutefois plusieurs cabinets de professions libérales.
Je remercie très chaleureusement les sympathiques habitants de cette résidence qui ont accepté de témoigner avec enthousiasme et passion pour leur résidence. Ils m’ont permis de découvrir avec beaucoup d’intérêt cet ensemble résidentiel si particulier. Leurs témoignages ont été regroupés pour une présentation plus synthétique mais ils devraient y retrouver leur apport essentiel auquel je rends hommage. P. Maestracci (Texte et photos).
3 commentaires:
Sympa l'idée de partager ce genre d'infos à travers un article complet.
Formidable de retrouver la rue de mon enfance, le 5 rue Voisembert, et d'en apprendre maintenant que j'ai 86 ans! J'ignorais la construction , la date, etc. J'y ai vécu la guerre, et me souviens très bien que nous descendions au 2ème ou même 3ème sous-sol pendant les alertes.... Mon amie d'enfance Françoise et moi jouions à la marelle sur la passerelle au 7ème étage, elle habitait au 5ème étage.... Nous faisions du patin à roulette sur les trottoirs au grand désespoir des concierges de l'époque! Nos pères étaient effectivement dans l'Armée de l'Air ainsi que nombre de leurs amis qui habitaient aussi rue Claude Matrat. Je suis allée au Lycée Michelet en 9ème, 8ème et 7ème, alors que c'était théoriquement un lycée de garçons. Merci pour cet article que je vais essayer d'imprimer, bien cordialement Jeanne-Marie LEGROS-PIERROT mon mail est jmgpierrot@free.fr
Très émue par vos souvenirs.
J'ai vécu mon enfance au 4 rue Voisembert et suis allée au lycée Michelet après la guerre. j'y ai suivi l'enseignement de la dixième à la septième.
Mon père, le Dr Caillé exerçait la médecine dans son cabinet établi à ce même 4 rue Voisembert. J'achève un roman inspiré par cette enfance. J'en mets des extraits sur mon Facebook au nom de Catherine Caillé-Coutant, libre au public.
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