Le terrain d’aviation d’Issy-les-Moulineaux est connu mondialement pour son rôle dans les débuts de l’aviation et comme ville d’accueil de trois grands constructeurs (Nieuport, Voisin et Caudron). En revanche, il est moins connu comme base de dirigeables où vont se dérouler les essais de nombreux appareils, dont les « grands croiseurs ».
Dirigeable au sol à Issy. |
A Issy, il y a en effet, depuis 1908, deux hangars civils (photo ci-dessous), construits par l’entreprise Sohier : un, de 100 m sur 36, pour la Société Astra, fondée par Henry Deutsch de la Meurthe par rachat des ateliers d'Édouard Surcouf à Billancourt ; et l'autre pour Clément Bayard, de 120 m sur 20, avec une double porte roulante. Ces deux hangars, complétés par une usine à hydrogène (produit par l’action de la soude sur le ferrosilicium).et un gazomètre, se situent dans la partie ouest du terrain (carte ci-dessous). Jusqu’à la guerre, ces deux sociétés y expérimentent leurs propres dirigeables.
Premier essais -1914-1915
A la déclaration de guerre, les armées créent un « port d’attache » (PA) pour dirigeables à Issy, afin de procéder aux essais des nouveaux grands croiseurs. En octobre 1914, le capitaine Gaucher en prend le commandement avec un détachement de la 8e compagnie d'aérostation de port d'attache (CAPA), provenant de Saint-Cyr. Les 45 hommes sont casernés boulevard Victor, au « bastion 68 ». Ils sont chargés de la garde du port d'attache, ainsi que du montage, du gonflement et de la manutention des nouveaux dirigeables en essai.
Le premier Pilâtre-de-Rozier. |
En décembre, c’est au tour du hangar Clément-Bayard d’être lui aussi allongé (ci-contre). Les portes sont démontées et, début janvier 1915, les deux travées supplémentaires nécessaires au montage du grand croiseur sont terminées. Le futur Général Meusnier, de 23.000 m3 et long de 160m, est construit par Clément Bayard sur la base d’un premier grand dirigeable abandonné (CB-7).
Mi-mai, l’Alsace, pouvant emporter 900 kg de projectiles à 65 km/h avec deux moteurs, est livré par Astra à Issy et mis en gonflement. Il fait un vol d’essai le 19 juin, qui se termine par un accident à l'atterrissage, le dirigeable étant drossé contre l’un des hangars. Les moteurs ne fonctionnant plus, le ballon dérive alors sur une dizaine de kilomètres et finit par atterrir près d'Antony, où il est démonté et rapatrié sur Issy par la 8e compagnie.
En juillet, des travaux d’infrastructure reprennent avec la construction d’une fosse à l’entrée du hangar Astra pour faciliter l'entrée et la sortie des dirigeables.
En juillet, des travaux d’infrastructure reprennent avec la construction d’une fosse à l’entrée du hangar Astra pour faciliter l'entrée et la sortie des dirigeables.
Le 23 août, le second grand croiseur, le Général Meusnier, est prêt à faire sa première sortie (photo ci-dessous). Après une élévation de 20 ou 30 m, le croiseur se déforme et doit être ramené bien vite au sol. Il faut rappeler ici que, contrairement aux Zeppelin bâtis avec une structure rigide, la plupart des dirigeables français sont souples, maintenus en surpression et enveloppés par un filet. Les essais du Général Meusnier vont reprendre et se poursuivre sans autre incident jusqu’en octobre. Mais il apparaît que l’engin ne répond pas aux exigences du programme, à savoir naviguer à 2000 m, sur un rayon d'action d’au moins 300 km (soit 600 km aller et retour) et emporter au moins 800 kg d'explosifs. La décision est prise de le céder aux Russes, intéressés par ce vaisseau géant.
A Issy, les essais se poursuivent. D’une manière générale, ces essais sont compliqués : il n’y a pas d’effet de série comme pour les avions, les moteurs V8 ou V12 (ci-dessous) sont encore peu fiables, l’eau des radiateurs gèle parfois malgré l’ajout d'alcool, les longues enveloppes se déforment, les systèmes de poulies sont fragiles et les nacelles sont souvent détériorées lors d’atterrissages brutaux, car le pilotage est complexe vu la longueur de ces vaisseaux (de 75m à plus de 100m pour les deux grands croiseurs).
Le Général Meusnier. |
Début septembre, les
essais sont terminés pour le dirigeable Alsace.
L’engin part avec son équipe d'entretien pour le PA d’Arcis-sur-Aube. Sa
première mission a lieu le 13 septembre mais est interrompue suite à une panne
moteur survenue au niveau des lignes. Après quatre nouvelles missions de
bombardement, il tombe le 2 octobre dans les lignes adverses (photo ci-dessous), suite à un tir de
barrage. Un membre d’équipage est tué et les autres sont faits prisonniers.
L'Alsace abattu le 2 octobre 1915. |
A Issy, les essais se poursuivent. D’une manière générale, ces essais sont compliqués : il n’y a pas d’effet de série comme pour les avions, les moteurs V8 ou V12 (ci-dessous) sont encore peu fiables, l’eau des radiateurs gèle parfois malgré l’ajout d'alcool, les longues enveloppes se déforment, les systèmes de poulies sont fragiles et les nacelles sont souvent détériorées lors d’atterrissages brutaux, car le pilotage est complexe vu la longueur de ces vaisseaux (de 75m à plus de 100m pour les deux grands croiseurs).
Des moteurs imposants. |
Le 14 décembre 1915, le nouveau Pilâtre-de-Rozier, réduit en volume et ne comportant plus qu’une nacelle, fait sa première ascension.
1916 - La place manque à Issy
Le Lorraine à Bizerte. |
Le soir du 3 avril 1916, lors d’une sortie d’essai nocturne, le Lorraine monte à 1425 m. Le but de l'ascension est de mesurer la portée de son projecteur pour la recherche de Zeppelin. Le projecteur au sol, chargé de baliser le terrain d'Issy, se trompe dans les signaux, imitant ceux d'alerte, entraînant la mise en descente du Lorraine. Le 4 à 0h55, un atterrissage est tenté, sans succès car le vent de travers fait remonter le ballon. A 1h11, un nouvel essai échoue. Une nouvelle tentative le place à hauteur des immeubles au sud du terrain, dans lesquels le ballon finit par se prendre. L'enveloppe se déchire immobilisant le Lorraine, qui doit être dégonflé afin d'éviter tout incendie. La nacelle se trouve alors à une trentaine de mètres au-dessus du sol. Décroché, il part en réparation mais ne reviendra pas à Issy.
En fin d’année 1916, de nombreux dirigeables ont été livrés – notamment pour la Marine - et on étudie les capacités des hangars existants en région parisienne. Le capitaine Leroy, commandant du P.A. d'Issy, rend compte au C.A.A. (commandant de l'aéronautique aux armées) du G.Q.G. que la société Astra et les établissements Clément-Bayard ont répondu négativement à la possibilité d'abriter un dirigeable supplémentaire dans leurs grands hangars. En effet, le Clément Bayard abrite déjà le Général Meusnier vendu aux Russes. Dans le hangar Astra, il y a la Flandre et deux dirigeables destinés à la Marine. Il ajoute que le P.A. est entouré d’ateliers de production d’hydrogène et de stocks d’essence qui rendraient dangereuses les manœuvres de trop nombreux engins.
Il est quand même décidé fin décembre que le PA d’Issy devra accueillir de nouveaux dirigeables Astra-Torrès, Chalais-Meudon et Zodiac pour leurs essais.
En mémoire du Pilâtre-de-Rozier. |
Les grands changements de 1917
L’année 1916 a fait comprendre au commandement que la concurrence des avions de bombardement, qui peuvent voler tous les jours contrairement aux dirigeables, et le développement des avions de chasse et de la défense anti-aérienne – y compris les tirs amis - condamnent peu à peu l'emploi de ces vaisseaux lents et peu maniables pour leurs missions de reconnaissance, de renseignement, de bombardement au-dessus du champ de bataille ou même de bombardement lointain.
En 1917, la décision est prise d’affecter à l'aéronautique navale de la Marine nationale les derniers dirigeables détenus par l’armée, y compris ceux en essais à Issy. La Marine va les utiliser pour la surveillance maritime, la lutte anti-sous-marine et la chasse aux mines, contrairement aux Zeppelin allemands qui vont poursuivre la mission de bombardement de nuit longue distance, notamment sur Paris et sur Londres, mais avec des pertes importantes.
Le drame du Pilâtre-de-Rozier, s’écrasant en flammes le 24 février 1917 à Voellerdingen (Bas-Rhin), confirme le diagnostic de l’état-major (plaque mémorielle ci-dessus). Son jumeau, le Général Meusnier, testé sur le front par les Russes depuis septembre 1916, est accidenté le 6 avril 1917 (photo ci-dessous). Il ne sera pas remis en état (difficultés de mise au point, performances insuffisantes).
En 1917, la décision est prise d’affecter à l'aéronautique navale de la Marine nationale les derniers dirigeables détenus par l’armée, y compris ceux en essais à Issy. La Marine va les utiliser pour la surveillance maritime, la lutte anti-sous-marine et la chasse aux mines, contrairement aux Zeppelin allemands qui vont poursuivre la mission de bombardement de nuit longue distance, notamment sur Paris et sur Londres, mais avec des pertes importantes.
Le drame du Pilâtre-de-Rozier, s’écrasant en flammes le 24 février 1917 à Voellerdingen (Bas-Rhin), confirme le diagnostic de l’état-major (plaque mémorielle ci-dessus). Son jumeau, le Général Meusnier, testé sur le front par les Russes depuis septembre 1916, est accidenté le 6 avril 1917 (photo ci-dessous). Il ne sera pas remis en état (difficultés de mise au point, performances insuffisantes).
Le Général Meusnier, accidenté, 6 avril 1917. |
A partir de janvier 1918, le P.A. d’Issy, relève, de facto, de la Marine et non plus de l’Armée. Entretemps, de nombreux ports d’attache pour dirigeables ont été construits par la Marine sur la mer du Nord, la Manche et la Méditerranée. Le 1er juillet, la 8e compagnie de port d'attache est dissoute. Le personnel et le matériel forment le détachement d'Issy-les-Moulineaux d’une compagnie de dépôt. Ce détachement stationne encore au bastion 68 jusqu’au 9 juillet, date à laquelle il rejoint Saint-Cyr.
En complément
Chefs de la 8e compagnie d'aérostation de port d'attache à Issy
02.08.14 au 09.10.14 : Cne Gaucher
10.10.14 au 05.09.15 : Ltt puis Cne Simon
06.09.15 au 04.05.16 : Cne Gaucher
05.05.16 au 04.07.16 : Slt Rieu
05.07.16 au 28.07.16 : Ltt Ducasse
29.07.16 au 26.10.16 : Ltt Maurel
27.10.16 au 14.10.17 : Slt puis Ltt Legay
15.10.17 au 01.11.17 : ?
02.11.17 au 13.12.17 : Slt Sératzky
14.12.17 au 01.07.18 : Ltt Dupond
Chefs de la 8e compagnie d'aérostation de port d'attache à Issy
02.08.14 au 09.10.14 : Cne Gaucher
10.10.14 au 05.09.15 : Ltt puis Cne Simon
06.09.15 au 04.05.16 : Cne Gaucher
05.05.16 au 04.07.16 : Slt Rieu
05.07.16 au 28.07.16 : Ltt Ducasse
29.07.16 au 26.10.16 : Ltt Maurel
27.10.16 au 14.10.17 : Slt puis Ltt Legay
15.10.17 au 01.11.17 : ?
02.11.17 au 13.12.17 : Slt Sératzky
14.12.17 au 01.07.18 : Ltt Dupond
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