30 novembre 2015

A lire : le Petit Quizz de la Grande Guerre

Pour terminer ce mois de novembre consacré à la Grande Guerre aérienne à Issy-les-Moulineaux, voici encore un livre, très original.



Grégoire Thonnat : l'auteur, professionnel de la communication, collectionneur et passionné d'histoire, a imaginé cette petite collection "le petit Quizz", aux éditions Pierre de Taillac.

Le petit Quizz de la Grande Guerre : 100 questions-réponses, une chronologie, une bibliographie, une rubrique "sites à visiter"… bref un livre tout petit format, plein de curiosités.

Parmi les 100 questions, un certain nombre se rapporte à la guerre aérienne. Par exemple :
- "Roland Garros, René Fonck, Jules Védrines, Alfred Heurtaux et Georges Guynemer, les as de l'aviation française, on un point commun, lequel ? "
- "Quand a lieu le premier combat aérien ?"
Alors ? Vous avez trouvé… PCB

Pour en savoir plus :

27 novembre 2015

La SFAN, constructeur d'avions à Issy

Nous terminons notre série d’articles sur les quatre constructeurs d’avions installés à Issy-les-Moulineaux, qui ont marqué à la fois l’histoire mondiale de l’aviation et l’histoire de notre ville. Si Nieuport, Voisin et Caudron se sont implanté avant ou au début de la Grande Guerre, le quatrième constructeur Isséen n’est arrivé qu’en 1935 mais nous avons souhaité l’évoquer malgré tout car il a marqué, lui aussi, l’histoire de l’aviation, mais cette fois « l’aviation populaire », comme on disait à l’époque.

L’installation de la SFAN à Issy

Louis Chasserio, ingénieur et ancien directeur des fabrications chez Nieuport, crée en 1935 la SFAN (société française d’aviation nouvelle) dont l’objet est la conception et la construction d’avions légers. Pour cela, la société débute avec la licence d’un petit motoplaneur conçu par la British Aircraft Corporation.

Les ateliers SFAN, dans les Hauts d'Issy. © XDR
Les ateliers sont installés dans les hauts d’Issy, 132 avenue de Clamart (aujourd’hui avenue du général de Gaulle), dans une immeuble alors récent où coexistent des logements et l’atelier de l’éditeur-imprimeur à vocation religieuse « Je sers ». Cet éditeur étant en difficultés financières, le local se trouve donc libre pour la SFAN (ci-dessus). L’immeuble est certes éloigné du terrain d’aviation mais le loyer est sans doute plus abordable et, surtout, il n’est pas utile d’avoir un immense atelier pour construire des petits avions de tourisme, faciles à transporter démontés – comme un planeur – sur le terrain d’essai (en l’espèce, à Moisselles et à Guyancourt).

Premier vol à Moisselles, juillet 1935. © XDR
En mars 1935, la société recrute un jeune ingénieur de 23 ans, également pilote, Jean Blazy (à gauche sur la photo - sa biographie a été publiée dans Le Point d’Appui d’avril 2011), qui va réviser complètement les plans de la licence et permettre ainsi la construction rapide de cette « avionnette » monoplace, baptisée SFAN 1, dotée d’un moteur de 25ch mais volant quand même à 90 km/h en croisière. Le premier vol se déroule à Moisselles, près d’Enghien, dès juillet 1935 (ci-dessus). Deux vols de longue distance vont rapidement placer l’avion sous les feux de l’actualité, d’abord un vol Le Bourget - Turin en septembre 1935 par le Capitaine Joseph Thoret, dit « Thoret-Mont Blanc », as de la guerre de 14 et spécialiste du vol en montagne, puis un second vol à deux avions, avec Thoret et Blazy, entre Moisselles et Sion en Suisse.
Une vingtaine d’exemplaires du SFAN 1 vont être construits dans les locaux d’Issy, qui s’avèrent adaptés et bien éclairés grâce aux grandes baies vitrées de l’ancienne imprimerie (ci-dessous).

Atelier des ailes, usine SFAN. Issy. © XDR
Atelier de fuselages, usine SFAN, Issy. © XDR
Atelier des ailes, usine SFAN. Issy. © XDR

La série se développe

1936, c’est bien sûr le Front Populaire mais c’est aussi le début de « l’aviation populaire ». Chacun rêve de piloter (voire de construire) son propre avion, sûr et peu cher. La SFAN, avec son avionnette, répond parfaitement à cette attente. Améliorant leur premier modèle, Chasserio et Blazy développent le SFAN 2, aux ailes repliables, qui rencontre un succès commercial …avec cette fois 25 exemplaires vendus (ci-dessous à droite). La société emploie alors près d’une centaine de personnes.

Le SFAN 2. © XDR
Profitant de ce succès, sont développées ensuite une version hydravion en septembre 1936, le SFAN 3, puis une version biplace avec double commande, le SFAN 4, proposée en avril 1936 aux écoles de pilotage (8 auraient été construits (ci-dessous) et, enfin, une version « de luxe », le SFAN 5, avec cockpit fermé.
Le SFAN 4. © XDR.
Mais la décision de l’État de ne pas verser les aides prévues aux constructeurs d’avions de petite puissance (moins de 200 ch), leur permettant ainsi de vendre moins cher leur production, a pour résultat, à la SFAN, de faire perdre 9000 francs par avion, puisque le prix de vente était baissé de 21 000 à 12 000 francs. 

S. Deutsche de la Meurthe.
L’activité de la société doit être fortement réduite, d’autant que Suzanne Deutsche de la Meurthe (à droite), qui apportait son soutien financier à la société, décède en novembre 1937. La SFAN réussit cependant à poursuivre ses activités grâce à des marchés d’État et la production sous licence d’avions d’autres constructeurs.

La Deuxième guerre mondiale

En 1939, un avion biplace d’observation d’artillerie, à décollage et atterrissage courts, le SFAN 11, est en construction sur programme d’État (ci-dessous). Il fait son premier vol le 13 janvier 1940 mais va disparaître dans la tourmente, emporté en Allemagne par l’occupant. 

Le SFAN 11. © XDR.

En 1939, la SFAN reçoit également une commande de Morane 230, dans le cadre du programme de guerre. La production requise de 50 exemplaires par mois ne pouvant être exécutée dans les ateliers d’Issy, la société loue alors des locaux rue Camille Desmoulins, près des établissements Nieuport, ainsi que des ateliers à Nevers.
En pratique, la SFAN cesse ses activités à Issy en juin 1940, employant alors près de 650 personnes. Au total, une cinquantaine de machines de sa création (hors Morane 230) aura été construite. Les locaux de Nevers semblent avoir été réquisitionnés par l’occupant.

Souvenirs

Que reste-t-il à Issy les Moulineaux de cette belle aventure ? Si l’ancienne usine a été aménagée en logements, fort heureusement, les grilles sur la rue ont été conservées avec les lettres SFAN (ci-contre)


Le Musée régional de l’air d’Angers conserve les 2 seuls exemplaires survivants, un SFAN 2 et un SFAN 4. Son président, Christian Ravel, a d’ailleurs donné une conférence sur ces avions au Musée de la carte à jouer en mai 2013. Un livre est en préparation. Un site mérite le détour :
http://www.musee-aviation-angers.fr

Jacques Primault
Nos vifs remerciements à Mme Madeleine Blazy, fille de Jean Blazy, résidant toujours à Issy ; à M. Connétable, ancien de Nord-Aviation et collectionneur spécialiste d’aviation ; et au service documentation du musée de l’air (source : « Préservation patrimoine aéronautique » bulletin n° 64-octobre 1999).

25 novembre 2015

A lire : Baron rouge et cigogne blanche

Après la stratégie de la guerre aérienne et les différents types d'avions, place aux As, ces pilotes d'exception qui prirent part à la Grande Guerre.



Patrick de Gmeline, l'auteur, est un des grands spécialistes de l'histoire militaire.

Baron rouge et cigogne blanche (Presses de la Cité, 2011) : Voici l'histoire des deux plus grands As de la Grande Guerre. L'Allemand, Manfred von Richtofen, surnommé le Baron rouge, tué au combat en 1918, qui comptabilise 80 victoires. Le Français, René Fonck, la Cigogne blanche, mort en 1953, qui sur son Caudron G4, totalise 75 victoires homologuées, mais qui aurait… selon les estimations actuelles descendu 142 appareils ennemis ! A lire et relire… PCB

22 novembre 2015

Les frères Caudron à Issy

Troisième volet de notre série sur les constructeurs d’avions implantés sur le terrain d’Issy, pour commémorer le centenaire de la Grande Guerre. 

Les frères


René Caudron. © XD

Gaston, né en 1882 (ci-dessous), et René Caudron né en 1884 (à droite), sont fils d'agriculteurs implantés à Romiotte dans la Somme. Très tôt intéressés par l'aviation, ils construisent d’abord un planeur dans la ferme familiale puis ouvrent ensuite une école de pilotage au Crotoy. En parallèle, ils implantent un atelier de construction dans la commune toute proche de Rue. Pour être plus complets, ils apprennent à piloter, René obtenant le brevet n°180 le 9 août 1910 puis Gaston le brevet n°434, le 3 mars 1911.


Gaston Caudron. © XDR
L’école de pilotage à Issy…

En 1911, ils ouvrent une seconde école de pilotage à Issy-les-Moulineaux, dans l’un des nombreux hangars-ateliers qui entourent le terrain. Cette école est complétée, en 1912, par un atelier situé à l’intersection des rues Rouget-de-Lisle et Camille Desmoulins, où ils emploieront jusqu’à 13 ouvriers avant la guerre. En 1913, leur école, jusque-là civile, forme également des militaires.


… puis l’implantation d’une usine en 1914

Début août 1914, les deux frères et la plupart des personnels de Rue sont mobilisés. Il ne reste plus que 16 personnes, des jeunes et des retraités. Mais le front se rapprochant, ils reçoivent fin août l’ordre de démonter tout le matériel et de le charger sur des wagons. Après deux jours et deux nuits de voyage, ils arrivent comme prévu à Issy, avant d’être dirigés sur… Lyon-Montplaisir ! Après six jours de voyage, les ouvriers retrouvent Gaston qui, ayant obtenu un sursis, est en cours d’installation d’ateliers dans une ancienne usine automobile Baron-Vialle. Mais on s’aperçoit rapidement que cette usine manque de surface et ne peut répondre à la demande. 


L'usine d'Issy, côté terrain. © XDR

L'usine d'Issy, côté rue. © XDR

C’est pourquoi, le 1er novembre 1914, René est rappelé par le ministère pour construire une autre usine à Issy. La construction prend plusieurs mois, avec une usine principale, située aux n° 52 à 70 rue Jean-Jacques Rousseau (la façade terrain ci-dessus ; la façade rue ci-contre), aujourd’hui rue Guynemer (occupée plus tard par Thomson CSF) et une annexe aux n° 56-58 Boulevard Galliéni (occupée plus tard par Aérazur).

A compter de 1915, cette usine, dirigée par René, se limite au montage des appareils et de leurs éléments. Les toiles ne sont pas vernies à Issy. L’usine sort trois G3 par jour, parfois jusqu’à six (ci-dessous). Les pilotes Chanteloup et Poulet, bien connus à l’époque pour leurs prouesses d’avant-guerre, assurent les vols d’essai.

Monomoteur d'observation G3 Caudron. © XDR
Mais le 12 décembre 1915, Gaston se tue sur l'aérodrome de Lyon-Bron, au cours d'un vol de présentation du bimoteur R4, bien que le ministère ait demandé aux constructeurs de ne pas voler.
Gaston avait à cœur de faire les essais lui-même voire de livrer les avions dans les formations, pour les présenter en vol aux pilotes.
Désormais, René assure seul la direction de la société. Les deux usines d’Issy vont occuper 9000 m2 et employer jusqu’à 1300 ouvriers (ci-dessous).

Les ateliers de l'usine d'Issy pendant la guerre. © XDR

Les ajusteurs, usine d'Issy. © XDR

Les usines de Lyon et d’Issy vont produire près de 4 000 appareils, dont les célèbres G3, monomoteur d’observation du champ de bataille, les bimoteurs d’observation et de bombardement G4/R4 à partir de 1915 (2 versions : la G développée Gaston et la R par René - ci-dessous), ainsi que les C23 de bombardement à la fin de la guerre. Comme d’autres grands constructeurs, leurs avions sont également construits sous licence par d’autres sociétés, mais sans que René Caudron ne réclame de redevance, par patriotisme.

L'après-guerre

En 1918, comme dans toute l’industrie militaire, la fin de la guerre entraîne une diminution brutale des commandes de l’État. René Caudron essaye de conserver ses ouvriers en se diversifiant, notamment dans la construction de tombereaux, pour écouler son important stock de bois. Mais il doit se résoudre à baisser ses effectifs des deux tiers au début des années 1920 et à fermer l’usine de Lyon pour mieux poursuivre son action, cette fois dans l’aviation de transport et de tourisme, puis dans les avions de course avec Renault.

[La société est nationalisée en 1945 et rattachée à la SCAN. En 1950, la SCAN quitte Issy et vend les usines à la société Sadir-Carpentier, intégrée à CSF en 1957, devenant Thomson-CSF en 1968. Les locaux sont fermés à la fin des années 80. René Caudron décède le 27 septembre 1959 à Saint-Cloud]. Jacques Primault.

Bimoteur d'observation et de bombardement G4/R4 Caudron.  Peinture de Paul Lengellé. © XDR

Mes remerciements à Karine Bellard, du musée de Rue (Somme) : http://aama.museeairespace.fr/amismuseeair/pages/musee_des_freres_caudron.html

Ce texte sur les frères Caudron complète un premier article que nous avions diffusé en 2012 :

19 novembre 2015

Conférence - Du champ d'aviation aux usines aéronautiques

Denis Butaye, au micro. Derrière lui, à gauche : Jacques Primault ; à droite : Denis Hussenot, notre trésorier.
© R. Barrière 

La grande salle du Musée français de la carte à jouer - un grand merci à Denis Butaye, son directeur (ci-dessus) - était pleine en ce mercredi 18 novembre en fin d'après-midi pour écouter notre conférencier Jacques Primault (ci-dessous) raconter comment Issy-les-Moulineaux, notre commune, est devenue le "berceau de l'aviation", comment de grandes familles (les frères Nieuport, les frères Voisin et les frères Caudron) sont venues installer leurs ateliers, puis leurs usines d'avions à la veille de la Grande Guerre, et le rôle qu'ils ont joué dans les tout débuts de la guerre aérienne.

Jacques Primault, le conférencier. © R. Barrière

Appuyé par de nombreux documents (photos, cartes postales, plans) qui rendaient ses propos très attrayants, Jacques - l'auteur de tous les articles publiés sur le site ce mois-ci, donna quelques chiffres très intéressants :
- surface du champ de manœuvres, utilisé par les aviateurs, à l'époque : 63 hectares. Surface de l'héliport aujourd'hui : 6 hectares.
- nombre d'avions Caudron sortis des usines d'Issy pendant la Grande Guerre : 3 à 6 avirons par jour.
- nombre d'avions Voisin sortis des usines pendant la Grande Guerre : 3000 pendant les cinq ans de guerre.
- première victoire française : un avion Voisin, du côté de Reims le 9 octobre 1914.

Un grand merci encore à tous ceux qui nous donnent la possibilité de découvrir ainsi l'histoire de notre commune. PCB

La grande salle du Musée français de la carte à jouer. © R. Barrière




18 novembre 2015

A lire : Avions de la Première Guerre mondiale

Alors que la conférence de Jacques Primault vient de se terminer au Musée français de la carte à jouer, sous des applaudissements bien nourris, continuons à visiter la bibliothèque idéale de l'amateur éclairé des livres d'aviation de la Grande Guerre.



Jack Herris, l'auteur, ancien pilote de l'US Navy, historien spécialisé dans l'aviation de la Première Guerre mondiale, a publié plusieurs ouvrages sur le sujet.

Les avions de la Grande Guerre (éditions de l'Acropole, 2014) :  le livre offre un panorama complet de l'évolution des différents appareils tout au long du conflit : avions de chasse, appareils de reconnaissance, bombardiers de jour ou de nuit, sans oublier les célèbres zeppelins. Tous les avions de l'époque sont présentés, accompagnés de leurs caractéristiques techniques et individuelles, de résumés de leurs exploits, et des noms de leurs pilotes. On y retrouve les plus illustres pilotes, Fonck, Guynemer, les frères Manfred, ou encore le fameux Baron Rouge. PCB

16 novembre 2015

Conférence sur l'aviation à Issy - 1907-1918

Nous vous attendons nombreux le mercredi 18 novembre, à 18h30, 
au Musée français de la Carte à jouer. Notez bien la date dans vos agendas !



Jacques Primault sera notre conférencier. 
Le temps d'une soirée il nous fera revivre : 

- le champ de manœuvres implanté en milieu urbain,
- les premières baraques ateliers
- les grandes usines Nieuport, Voisin et Caudron, qui vont tourner à plein régime durant la Grande Guerre
- les  avions de ces trois constructeurs isséens durant la Grande Guerre…






13 novembre 2015

Gabriel et Charles Voisin à Issy

Second article de notre série, la saga des frères Voisin.

Gabriel (à gauche) ; Charles (à droite). © XDR
Gabriel Voisin, né le 5 février 1880 à Belleville-sur-Saône, fait preuve dès son plus jeune âge d'une ingéniosité et d'un sens aigu de la mécanique (photo1 à gauche). Son frère Charles naît le 12 juillet 1882 à Lyon. A l'Exposition de 1900, « l'Avion » de Clément Ader est, pour Gabriel, une véritable révélation.

La société à Boulogne mais les premiers vols à Issy

Le 8 avril 1904 à Berck-Plage, Gabriel Voisin réussit des vols de 10 à 25 secondes sur un planeur qui lui est confié. Il construit ensuite son propre planeur et projette de le tester le 26 mars 1905, à Issy-les-Moulineaux. Avant son vol, un essai avec lest et sans pilote, tracté par une automobile, lui est demandé. Le planeur décolle puis se brise en plein vol. Il vient d’échapper à la mort (photo ci-dessous).

Décollage du planeur, tiré par une automobile. © XDR

Sans attendre, Gabriel lance la construction d’un nouvel aéronef monté sur deux flotteurs pour effectuer, cette fois, les essais sur la Seine afin de diminuer les risques pour le pilote. Le 8 juin 1905, tiré par le canot automobile La Rapière de Tellier, le planeur piloté par Gabriel s'envole du pont de Sèvres et effectue un vol remorqué entre 16 et 20 m d'altitude avant de se poser, à 600 m de là, près du pont de Billancourt. Après ce succès, une collaboration débute avec Blériot, dans des ateliers installés rue de la Ferme à Boulogne, mais elle sera de courte durée. 


Charles rejoint Gabriel et les deux frères créent alors la société « Les Frères Voisin-Appareils d'aviation » (ci-dessus). En mai 1907, un jeune homme aisé qui s'est fait un nom dans le sport, Henry Farman, se présente aux frères Voisin et signe avec eux, le 1er juin, un contrat en bonne et due forme pour un avion de leur fabrication équipé d'un moteur Antoinette de 50 ch et payable 12 000 francs après réussite d'un vol de réception : « Cet appareil doit faire 1 kilomètre en ligne droite; au cas contraire, M. Farman ne devra rien à M. Voisin. ». Son intention est de concourir pour le fameux prix de 50.000 francs-or offert par deux mécènes français Archdeacon et Deutsch de la Meurthe. 

Farman, le 13 janvier  1908. © XDR
Le 13 janvier 1908 au matin, un peu après 8 heures, « Monsieur Henry » décolle en quelques mètres le Voisin-Farman n° 1 bis, franchit la ligne de départ devant les contrôleurs officiels (ci-contre), vire 544 m plus loin, à la balise, avec une maîtrise absolue, et atterrit à l'emplacement même qu'il a quitté 1 mn 28 s plus tôt. Le Grand Prix est gagné et la nouvelle se répand instantanément dans Paris.
En mai 1908, ils déménagent et s'établissent au 34 quai du Point-du-Jour, toujours à Boulogne. Comme les autres constructeurs, ils utilisent un hangar-atelier au bord du terrain d’Issy. En décembre 1910, le Voisin « Militaire », biplan aux ailes non cellulaires cette fois, vole pour la première fois à Issy.

L’installation à Issy

Suite aux inondations de l'hiver 1909-1910 et aux détériorations qui en résultent dans leurs locaux, les deux frères décident de quitter Boulogne. Gabriel repère un grand terrain à Issy qui correspond parfaitement à son programme, au 36 boulevard Gambetta (aujourd’hui 6 bd des Frères Voisin), en bordure sud du champ de manœuvres. Il loue (avec promesse de vente) puis achète la moitié du terrain alors disponible pour construire l’établissement principal, l’atelier de forge et le dépôt d’hydrocarbures. (ci-dessous) Les travaux de construction avancent rapidement, malgré la défection de Charles, qui a abandonné la société en 1910, alors en plein essor, pour voyager en compagnie de la baronne de Laroche, première femme aviatrice en France le 8 mars 1910.

Les ouvriers à l'entrée des ateliers isséens. © XDR
Grâce à ce rapprochement géographique, il n'est plus besoin de déplacements longs et coûteux – avec notamment le passage acrobatique du muret d’enceinte (ci-dessous) - pour procéder aux essais en vol et aux livraisons : une fois le boulevard traversé, l'avion est sur le terrain, prêt à décoller. C'est dans ces conditions particulièrement propices que sont conçus et améliorés les Voisin « Militaire », dans le but de capter un marché dont l'enjeu se chiffre par dizaines d'appareils. Sur la lancée, Gabriel achète d’ailleurs en février 1912 la seconde partie du terrain devenue disponible.

Le passage acrobatique du muret. © XDR
Malgré le décès de Charles le 26 septembre 1912 dans un accident d'automobile, Gabriel développe l’entreprise avec les premières commandes du Voisin Militaire (35 exemplaires). Il acquiert en 1913 un nouveau terrain, cette fois en bordure est du champ de manœuvres, au 46 rue Jean-Jacques Rousseau (devenue rue Guynemer), entre la rue et le champ de manœuvres (zone des HLM de la Ville de Paris). Il y construit ce qui va devenir l’usine « annexe » avec la chaudronnerie. Les avions construits peuvent désormais accéder directement à l’aire d’essai et d’envol.

En 1913, Voisin entreprend des essais d'armement sur plusieurs prototypes dont le fameux Voisin Canon (canon de marine Hotchkiss de 37 mm pesant 100 kg et placé tout à l'avant de la nacelle centrale, ci-dessous). Le prototype est abandonné afin de consacrer la totalité des moyens de production à la série.

Le fameux Voisin Canon… jamais exploité. © XDR

La guerre

En août 1914, deux escadrilles, la V.14 et la V.21 soit 12 appareils (sur un total de vingt-six escadrilles, 132 appareils), sont équipées du bombardier Voisin, dans ses dérivés L.11 puis type III. En octobre 1914, le Voisin III est choisi pour équiper toutes les formations, compte tenu de sa robustesse et de sa puissance. Pour faire face aux demandes françaises et étrangères (Grande Bretagne, Belgique, Russie), cet avion est également construit sous licence par Breguet, Esnault-Pelterie et Nieuport). Les marchés s’accélérant, les alignements de bombardiers sont bien visibles à Issy (ci-dessous), avant d’être ensuite répartis et affectés dans les escadrilles.

Alignements de bombardiers sur le terrain d'Issy - 1914. © XDR
La première victoire aérienne française est obtenue par le pilote Frantz et le mécanicien Quenault (à droite)le 5 octobre 1914, sur cet avion, armé d’une mitrailleuse d'infanterie Hotchkiss de 8 mm, en abattant un Aviatik dans la région de Reims. 
Frantz et Quenault. © XDR
En 1915, l’usine emploie 797 personnes. Mais, fin 1915, cet avion d’observation et de bombardement, lors des grandes expéditions sur l’Allemagne, est désormais surclassé par la chasse allemande. Il passe alors au bombardement de nuit. Durant les hostilités, Gabriel Voisin produit dix-huit modèles différents d'avions. Beaucoup servent sous les cocardes de plusieurs pays alliés : Grande-Bretagne, Belgique, Italie et Russie.
En France, plus de trois mille Voisin de types divers sont construits en quatre ans pour l'Aviation militaire et l'aéronautique de la Marine nationale. Un millier d'ouvriers travaillent alors dans les usines (ci-dessous).

Dans les ateliers Voisin d'Issy. © XDR
Voisin développe aussi des bombardiers lourds, triplans, mais qui ne seront pas sélectionnés par les armées ou arriveront trop tard (ci-dessous).

Le triplan Voisin de 1915. © XDR
Dès avant l'armistice, alors que ses usines tournent à plein, Gabriel Voisin, déçu par les atermoiements de l'administration sur ses derniers projets, décide d'abandonner la construction aéronautique sitôt la guerre terminée. II envisage la construction de maisons préfabriquées économiques et confortables, destinées aux régions du Nord et de l'Est dévastées par la guerre. Mais il se heurte à l'hostilité des entrepreneurs du bâtiment et abandonne ce projet. Sans se décourager, il se lance ensuite dans la construction en série d'une voiture légère. La production est rapidement organisée et, dès novembre 1918, le premier châssis sort de son usine d'Issy-les-Moulineaux. Vingt sept mille deux cents véhicules suivront. C’est le début d’une aventure industrielle qui va rendre la marque Voisin mondialement connue.
Gabriel Voisin s'est éteint le 25 décembre 1973 à l’âge de 93 ans, à Ozenay (Saône). Jacques Primault

Vous pouvez retrouver sur notre site : 
- la baronne de La Roche

10 novembre 2015

A lire : l'Aviation française, 1914-18

Nous allons profiter de ce mois de novembre aérien pour vous présenter quelques ouvrages sur le thème de l'aviation dans la Grande Guerre. 




Georges Pagé, pilote privé d'avion et d'hélicoptère, médaillé de l'aéronautique, est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages dont l'Aviation française 1914-1918, paru aux éditions Grancher en 2011,  avec une préface de Patrick Baudry, notre spationaute.

L’auteur fait débuter son récit aux premiers balbutiements de l’utilisation militaire de l’aviation, rappelle les premiers combats de 1914, raconte les faits d'armes de ceux que l'on appelle les As. Ainsi, un chapitre complet du livre revient sur Henri de Navarre, lors de la bataille Verdun où il gagne le surnom de « nettoyeur du ciel de Verdun ». Georges Pagé insiste sur la déception des aviateurs au lendemain de la Grande Guerre : aucun appareil ne participera au défilé de la Victoire de juillet 1919, confirmant les mots du général Foch : « L’aviation pour l’armée, c’est zéro », une phrase prononcée au tout début de la guerre.

La quatrième de couverture précise que l’auteur « a consulté de nombreux documents originaux pour rédiger le présent ouvrage : français, allemands, américains et belges, y compris des archives militaires » et que « avec le regard d’un historien, il explore à la fois la vie de nos héros aviateurs de 1914-1918, mais aussi l’évolution technique de l’aviation de cette époque ». A lire donc. PCB

6 novembre 2015

Les établissements Nieuport à Issy

Nous débutons notre série "l'aviation dans la Grande Guerre" par l'un des grands constructeurs français : Nieuport.

Deux frères

Les deux frères de Niéport (dit Nieuport), Édouard (né le 24 août 1875 à Blida) et Charles (né le 4 août 1878 à Lagny), sont installés depuis 1902 à Asnières, où leur société, Nieuport-Duplex, produit des magnétos, bougies et accumulateurs pour l’automobile puis pour l’aviation (Voisin notamment). Édouard souhaite que la société construise désormais des avions. Pour cette raison, en janvier 1908, la société est rebaptisée Société Générale d’Aéro-Locomotion (SGAL) et produit son premier aéroplane, monoplan, le Nieuport I, qui atteint 70 km/h avec un moteur ne dépassant pas les 20 ch.

Charles Nieuport. © XDR
Édouard Nieuport. © XDR
L’avion est détruit durant les inondations de janvier 1910, mais le Nieuport II fait rapidement son premier vol à Issy. Édouard Nieuport obtient son brevet de pilote le 10 juin 1910 et présente désormais les avions de la marque au grand public et aux armées, notamment à Reims et à Mourmelon.





L’installation à Issy

En 1911, les deux frères décident d’installer la partie aviation de leur société à Issy-les-Moulineaux, Suresnes poursuivant la production des pièces électriques. Mais deux drames successifs vont bouleverser la vie de cette société. Tout d’abord, Edouard se tue le 16 septembre 1911, à Verdun, aux commandes d’un aéroplane lors d’une présentation aux armées.

Charles poursuit néanmoins en 1912 l’installation prévue à Issy, dans un triangle formé par la rue du Point du Jour (aujourd’hui boulevard Galliéni) avec la rue Camille Desmoulins, donc au sud-ouest du terrain d’aviation (plan ci-dessous). Bien que moins passionné par l'aviation que son défunt frère, Charles obtient son brevet de pilote civil le 22 janvier 1912, puis le brevet militaire le 9 février suivant, ce qui lui permet d’assurer la réception des avions militaires Nieuport.

Plan de l'usine Nieuport d'Issy. © XDR
Le second drame intervient le 24 janvier 1913 à Etampes lorsque Charles se tue lors d’un vol de réception. Henri Deutsch de la Meurthe, qui a soutenu financièrement le développement de la société, poursuit leur action, rachète tous les brevets et transforme l’entreprise en société anonyme des établissements Nieuport. L’usine, dirigée par Henry de la Fresnay, emploie alors 150 personnes (photo ci-dessous). En 1913, la construction d’un deuxième bâtiment s’impose, de l’autre côté de la rue Camille Desmoulins.

Les bâtiments de l'usine Nieuport.© XDR

La guerre

En janvier 1914, l’ingénieur Gustave Delage, qui va se faire un nom entre les deux guerres, rejoint la société comme directeur technique. Il se trouve, dès le mois d’août, mobilisé avec beaucoup d’ouvriers, tandis que les ouvriers non mobilisés sont transférés à Tours pour y produire des biplans…. Voisin III. En effet, les armées ont limité à quatre le nombre de types d’appareils utilisés par l’Aéronautique militaire. Il n’y a aucun Nieuport !
L’avance allemande ne semblant pas menacer Paris, l’usine d’Issy-les-Moulineaux reprend son activité en novembre 1914, retrouvant la quasi-totalité de ses spécialistes en avril 1915.

Dès son retour à Issy-les-Moulineaux en février 1915, Gustave Delage dessine un nouveau type de biplace d’observation, biplan pour la première fois ou plus exactement sesquiplan (aile haute plus longue que l’aile basse), le Nieuport 10 qui, une fois le ministère convaincu, arrive au front en mai 1915. Au total un millier de Nieuport 10 sont produits en France, en Grande-Bretagne, en Italie et en Russie.

Le pilote Jean Navarre. © XDR
Avec la formule des versions dérivées, issues de modifications diverses (moteur, armement, dessin des ailes, etc..), ce premier biplan donne naissance à une remarquable série d’appareils de reconnaissance et d’escorte, de chasseurs monoplaces : le Nieuport 11, le fameux « Bébé » Nieuport - de dimensions réduites (sur lequel volent plusieurs As, dont Guynemer et Navarre, ci-dessus), le Nieuport 16 (premier avion équipé de fusées dites fusées Le Prieur, ancêtres des roquettes, photo ci-contre), le 24bis de Nungesser (photo à gauche ci-dessous), et, enfin, une série de grands biplans de bombardement.
Lance-roquettes embarqué. © XDR
Le pilote Charles Nungesser. © XDR


En 1915, avec le succès du Bébé Nieuport, il est nécessaire de développer les surfaces de production, cette fois de l’autre côté du boulevard Galliéni, sur le terrain d’aviation. 




En 1917, la firme Nieuport s’étend ainsi sur 4 500 m2 et emploie 3 600 ouvriers (photos ci-dessous). Mais à partir de l’été 1917, les Nieuport montrent leur infériorité technique. En octobre, le général Pétain, commandant en chef des armées françaises écrit : « Le Nieuport est inférieur à tous les appareils ennemis, il est vital qu’il soit retiré très vite de toutes les escadrilles du front ». Il faudra attendre le printemps 1918 pour que ce soit effectif (pour les escadrilles françaises).

Atelier d'entoilage. © XDR
Atelier d'assemblage. © XDR
Atelier de peinture. © XDR
Les Nieuport ont été l’épine dorsale de la Chasse française de 1915 à 1917. Quasiment tous les As français ont fait leurs premières armes sur cette famille de chasseurs ainsi que chez les Britanniques, Italiens et Américains. L’Armistice de 1918 entraine l’annulation brutale des commandes de guerre, situation aggravée chez Nieuport par la disparition de son propriétaire, Henry Deutsch de la Meurthe, le 24 novembre 1919. La famille injecte de nouveaux capitaux pour soutenir la Société qui va devenir en 1921 la Société anonyme Nieuport-Astra.

[En février 1937, la société devenue Loire-Nieuport est nationalisée comme Société nationale de construction aéronotique de l'Ouest (SNCAO). Le nom Nieuport disparait du registre du commerce en mars 1937.Les immeubles sont repris après la guerre par la compagnie générale de radiologie puis sont détruits à la fin des années 80].  Jacques Primault

1 novembre 2015

L'aviation dans la Grande Guerre

Comme l'an passé, Historim commémore à sa manière la Grande Guerre. 



Après la présence des étrangers dans le carré militaire du cimetière d'Issy-les-Moulineaux, place cette année aux avions, combats aériens et usines d'aviation, dont Issy fut, rappelons-le, le berceau. Avec au programme, une conférence donnée par notre Historimien Jacques Primault (ci-contre) et quatre articles signés par lui. Il sait de quoi il parle… officier de l'armée de l'Air, commissaire de l'Air sur les bases aériennes avant de se réorienter vers la fonction publique civile au ministère de la Défense, de la Ville de Paris puis au ministère de la Jeunesse et des Sports. Un certain nombre de vous le connaissent aussi pour les différents mandats municipaux qu'il a remplis dans notre commune.


Au programme

- Focus sur quatre grands constructeurs implantés à Issy-les-Moulineaux à partir de 1912 et qui vont participer à l’effort de guerre, à commencer par les frères Nieuport. Vous découvrirez au fil des jours, la suite de cette saga.

- Conférence le 18 novembre au Musée français de la Carte à jouer, 18h30, sur le thème : "Du champ d'aviation aux usines aéronautiques".

- Enfin, toute information "aérienne" susceptible de vous intéresser : expositions, livres, etc. vous sera signalée sur le site.

"Inventer un avion n'est rien. Le construire est un début. Voler c'est tout"

Cette citation d'Otto Lilienthal (1848-1896), pionnier allemand de l'aéronautique, résume en quelque sorte ce que nous allons vous faire revivre en ce mois de novembre. PCB

Adolphe Pégoud, l'as français, tué au combat le 31 août 1915. © XDR