En 1897, dix ans après sa création aux Pays-Bas, la société de peinture "Riepolin" négocie un partenariat avec la société parisienne Lefranc et Cie, qui franchise le nom en Ripolin. Une unité de production s'installe à Issy-les-Moulineaux, au 21-31 Quai d'Issy : un bâtiment de trois étages, aménagé spécialement pour la fabrique d'encre d'imprimerie et de couleurs qui donne d'une part sur le quai (l'entrée ci-dessous), d'autre part sur une vaste cour d'intérieur. Près de 350 ouvriers et ouvrières y travaillent.
L'usine du Ripolin, quai d'Issy. © XDR |
Le vendredi 11 novembre 1904, une terrible explosion touche l'usine, suivie par un incendie meurtrier. Dès le lendemain, les journaux racontent.
Le Figaro du 12 novembre : " Un incendie d'une violence extrême a dévoré hier en quelques heures l'usine du « Ripolin » à Issy-les-Moulineaux. Et, malheureusement, il a fait en même temps des victimes dont le nombre, à l'heure actuelle, est encore inconnu.C'est au premier étage de ce bâtiment, à gauche, dans l'atelier dit « du mélange des essences » que hier, à quatre heures vingt, une explosion s'est pro- duite. Comment ? On l'ignore. Selon les uns ce serait un alambic qui aurait éclaté, selon d'autres il y aurait eu un court-circuit qui aurait enflammé les essences. Toujours est-il qu'en moins d'une minute tout l'atelier fut en flammes. Or, bien qu'il ne fût pas au complet - il comporte cent ouvrières - le nombre des malheureuses qui se trouvaient là exposées à être brûlées vives n'en était pas moins considérable. Et, précaution fatale, les fenêtres étaient fermées par un épais grillage, scellé dans la muraille… "
Le Petit Parisien en fait sa "une" (ci-dessous).
L'Humanité du 12 novembre apporte d'autres détails sur la catastrophe : " Il était exactement quatre heures vingt. Dans un vaste alambic, des préparateurs traitaient de l’éther et de l'essence de térébenthine. Une énorme colonne de feu envahit toute la pièce, puis une formidable explosion se "fit entendre. Sous la poussée formidable des gaz enflammés, une grande partie de la façade s'écroula avec un bruit terrifiant. Affolés, les ouvriers et ouvrières, au nombre de quarante-huit, occupés dans le bâtiment, tentèrent de fuir. Mais déjà les flammes barraient la route. Tous se ruèrent vers les locaux prenant jour sur le quai. De fortes barres de fer, scellées dans le mur, empêchaient toute fuite de ce côté. Ce fut alors une explosion de cris de rage et d'impuissance, immédiatement suivis de hurlements de douleur. "
Les ruines de l'usine, encore fumantes. © XDR |
"Puis, de la grille d'entrée, cachée par instant par la fumée, deux hommes surgirent. Leurs vêtements étaient également en feu. Ils traversèrent la chaussée en poussant des cris affreux, dévalèrent le contre-quai et allèrent se précipiter dans la Seine. MM. Gaudey, charbonnier, et Arthur, journalier, se jetèrent à leur suite dans le fleuve et les ramenèrent sur la berge. Une deuxième voiture d'ambulance les recueillit et les transporta à l'hôpital."
Les pompiers affluent de toute la banlieue parisienne, de Grenelle, d'Auteuil, de la Sainte-Chapelle. La foule des badauds aussi raconte le reporter : "Par les gares de Mirabeau-Ceinture d'Issy et par les portes du Viaduc et de Versailles arrivaient continuellement de nouveaux curieux. Bientôt les quais, les contre-quais, les berges de la Seine et les rues avoisinantes regorgèrent de monde. Dans cette masse compacte de spectateurs, s'élevaient continuellement de nouveaux cris d'horreur et de pitié".
Au petit matin, treize victimes ont été recensées. Les pompiers continuent de fouiller les décombres, redoutant de retrouver des corps.
Après cette tragédie, l'usine Ripolin quitta Issy-les-Moulineaux. Et ,depuis 2011, après des rachats, des fusions, etc la marque Ripolin est devenue la propriété du groupe américain PPG Industries. PCB