24 avril 2015

Arménie - 4

LA VIE À ISSY-LES-MOULINEAUX
Suite du Témoignage de Georges Mouchmoulian

(les Relais de la Mémoire, sous la direction de Frédéric Rignault,Le Souvenir français/Atlante éditions)

« Nous sommes arrivés rue Madame, aux Épinettes, en 1943 » reprend Marie-Antoinette Mouchmoulian . « Nous logions au numéro 7. Peu de temps après notre installation, notre fille, Arlette est née. J'allais chercher du lait en boîte à la Croix Rouge, avenue de Verdun, en face de l'annexe de l'hôpital psychiatrique. Mon lait maternel n'était pas bon. Cela était dû à une terrible peur que nous avions connue, Georges et moi, à Meudon, alors que j'étais enceinte. Nous étions chez mon beau-frère. Tout à coup, nous avons entendu une déflagration terrible. Une bombe venait de tomber dans un jardin, juste dans notre dos ».

Plaque de rue aux Épinettes.
©A. Bétry
Georges Mouchmoulian ajoute : « La vie était difficile. Une fois que j'ai été rétabli, j'ai repris mon métier de garçon coiffeur. Je n'ai pas tenu longtemps. Je travaillais à Boulogne et pour couper les cheveux, il faut avoir les bras en l'air. Ma blessure à l'épaule me faisait mal. Je ne pouvais plus bouger le bras comme avant la guerre. Alors, j'ai arrêté. Au moment de notre installation rue Madame, nous avons ouvert un atelier de culottier - dans notre salon. Un métier qui ne doit plus exister. Nous recevions des patrons de métiers particuliers, de militaires, la Garde républicaine par exemple, et, pendant que je découpais et je cousais à la machine, Marie-Antoinette assurait les finitions, à la main. Nous faisions de la qualité, du sur-mesure ».

Marie-Antoinette Mouchmoulian reprend : « Les privations ont été réelles. Il fallait faire des heures de queue pour avoir un légume, du beurre, du pain. Heureusement, dans notre quartier, il y avait encore des vergers ; et puis, Clamart était réputé pour ses petits pois ! Bien entendu, on faisait tout à pied. Une fois par semaine, nous allions au Goûter des Mères, pour bien manger et surtout nourrir correctement Arlette. Avec tout cela, nous avions en plus parfois des bombardements. Je ne saurais dire si les bombes étaient allemandes ou anglaises, en tout cas, une fois, il en est tombé une dans le cimetière, juste à côté de notre immeuble ».
Le 26 août 1944, des soldats français entrent dans Issy-les-Moulineaux. C'est la Libération. Rapidement, ils sont suivis d'Américains et de Canadiens. « Et là, indique Marie-Antoinette, juché sur une jeep, un beau gars s'avance vers nous. Nous sommes placés devant l'hôpital Percy. Je l'ai déjà remarqué. Voilà près de cinq minutes qu'il tend un papier aux habitants qui se sont amassés le long du convoi militaire. Il s'approche de nous. Il regarde Arlette. Puis lève les yeux vers moi. Dans un français approximatif, il me dit : " Je suis votre neveu. Ma mère m'avait donné votre adresse quand j'ai quitté l'Amérique ". Cette sœur aînée que Georges Mouchmoulian avait vu disparaître alors qu'il n'était encore qu'un enfant de Sivas. »

Monument franco-arménien, rue de la Défense (quartier des  Épinettes, Issy), inauguré
le 19 décembre 1982. Ont participé à cette œuvre la ville d'Issy-les-Moulineaux, les églises
arméniennes apostolique, évangélique et catholique. © A. Bétry

Fin du témoignage de Georges Mouchmoulian ; d'autres témoignages suivent, pour commémorer à notre manière le génocide arménien. PCB.

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