Nous terminons notre série d’articles sur les quatre constructeurs d’avions installés à Issy-les-Moulineaux, qui ont marqué à la fois l’histoire mondiale de l’aviation et l’histoire de notre ville. Si Nieuport, Voisin et Caudron se sont implanté avant ou au début de la Grande Guerre, le quatrième constructeur Isséen n’est arrivé qu’en 1935 mais nous avons souhaité l’évoquer malgré tout car il a marqué, lui aussi, l’histoire de l’aviation, mais cette fois « l’aviation populaire », comme on disait à l’époque.
L’installation de la SFAN à Issy
Louis Chasserio, ingénieur et ancien directeur des fabrications chez Nieuport, crée en 1935 la SFAN (société française d’aviation nouvelle) dont l’objet est la conception et la construction d’avions légers. Pour cela, la société débute avec la licence d’un petit motoplaneur conçu par la British Aircraft Corporation.
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Les ateliers SFAN, dans les Hauts d'Issy. © XDR |
Les ateliers sont installés dans les hauts d’Issy,
132 avenue de Clamart (aujourd’hui avenue du général de Gaulle), dans une immeuble alors récent où coexistent des logements et l’atelier de l’éditeur-imprimeur à vocation religieuse « Je sers ». Cet éditeur étant en difficultés financières, le local se trouve donc libre pour la SFAN (
ci-dessus). L’immeuble est certes éloigné du terrain d’aviation mais le loyer est sans doute plus abordable et, surtout, il n’est pas utile d’avoir un immense atelier pour construire des petits avions de tourisme, faciles à transporter démontés – comme un planeur – sur le terrain d’essai (en l’espèce, à Moisselles et à Guyancourt).
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Premier vol à Moisselles, juillet 1935. © XDR |
En mars 1935, la société recrute un jeune ingénieur de 23 ans, également pilote,
Jean Blazy (
à gauche sur la photo - sa biographie a été publiée dans
Le Point d’Appui d’avril 2011), qui va réviser complètement les plans de la licence et permettre ainsi la construction rapide de cette « avionnette » monoplace, baptisée
SFAN 1, dotée d’un moteur de 25ch mais volant quand même à 90 km/h en croisière. Le premier vol se déroule à Moisselles, près d’Enghien, dès juillet 1935 (
ci-dessus). Deux vols de longue distance vont rapidement placer l’avion sous les feux de l’actualité, d’abord un vol Le Bourget - Turin en septembre 1935 par le Capitaine Joseph Thoret, dit « Thoret-Mont Blanc », as de la guerre de 14 et spécialiste du vol en montagne, puis un second vol à deux avions, avec Thoret et Blazy, entre Moisselles et Sion en Suisse.
Une vingtaine d’exemplaires du SFAN 1 vont être construits dans les locaux d’Issy, qui s’avèrent adaptés et bien éclairés grâce aux grandes baies vitrées de l’ancienne imprimerie (
ci-dessous).
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Atelier des ailes, usine SFAN. Issy. © XDR |
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Atelier de fuselages, usine SFAN, Issy. © XDR |
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Atelier des ailes, usine SFAN. Issy. © XDR |
La série se développe
1936, c’est bien sûr le Front Populaire mais c’est aussi le début de « l’aviation populaire ». Chacun rêve de piloter (voire de construire) son propre avion, sûr et peu cher. La SFAN, avec son avionnette, répond parfaitement à cette attente. Améliorant leur premier modèle, Chasserio et Blazy développent le SFAN 2, aux ailes repliables, qui rencontre un succès commercial …avec cette fois 25 exemplaires vendus (ci-dessous à droite). La société emploie alors près d’une centaine de personnes.
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Le SFAN 2. © XDR |
Profitant de ce succès, sont développées ensuite une version hydravion en septembre 1936, le SFAN 3, puis une version biplace avec double commande, le SFAN 4, proposée en avril 1936 aux écoles de pilotage (8 auraient été construits (ci-dessous) et, enfin, une version « de luxe », le SFAN 5, avec cockpit fermé.
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Le SFAN 4. © XDR. |
Mais la décision de l’État de ne pas verser les aides prévues aux constructeurs d’avions de petite puissance (moins de 200 ch), leur permettant ainsi de vendre moins cher leur production, a pour résultat, à la SFAN, de faire perdre 9000 francs par avion, puisque le prix de vente était baissé de 21 000 à 12 000 francs.
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S. Deutsche de la Meurthe. |
L’activité de la société doit être fortement réduite, d’autant que Suzanne Deutsche de la Meurthe (à droite), qui apportait son soutien financier à la société, décède en novembre 1937. La SFAN réussit cependant à poursuivre ses activités grâce à des marchés d’État et la production sous licence d’avions d’autres constructeurs.
La Deuxième guerre mondiale
En 1939, un avion biplace d’observation d’artillerie, à décollage et atterrissage courts, le SFAN 11, est en construction sur programme d’État (ci-dessous). Il fait son premier vol le 13 janvier 1940 mais va disparaître dans la tourmente, emporté en Allemagne par l’occupant.
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Le SFAN 11. © XDR. |
En 1939, la SFAN reçoit également une commande de Morane 230, dans le cadre du programme de guerre. La production requise de 50 exemplaires par mois ne pouvant être exécutée dans les ateliers d’Issy, la société loue alors des locaux rue Camille Desmoulins, près des établissements Nieuport, ainsi que des ateliers à Nevers.
En pratique, la SFAN cesse ses activités à Issy en juin 1940, employant alors près de 650 personnes. Au total, une cinquantaine de machines de sa création (hors Morane 230) aura été construite. Les locaux de Nevers semblent avoir été réquisitionnés par l’occupant.
Souvenirs
Que reste-t-il à
Issy les Moulineaux de cette belle aventure ? Si l’ancienne usine a été aménagée en logements, fort heureusement, les grilles sur la rue ont été conservées avec les lettres SFAN
(ci-contre).
Le Musée régional de l’air d’Angers conserve les 2 seuls exemplaires survivants, un SFAN 2 et un SFAN 4. Son président, Christian Ravel, a d’ailleurs donné une conférence sur ces avions au Musée de la carte à jouer en mai 2013. Un livre est en préparation. Un site mérite le détour :
http://www.musee-aviation-angers.fr
Jacques Primault
Nos vifs remerciements à Mme Madeleine Blazy, fille de Jean Blazy, résidant toujours à Issy ; à M. Connétable, ancien de Nord-Aviation et collectionneur spécialiste d’aviation ; et au service documentation du musée de l’air (source : « Préservation patrimoine aéronautique » bulletin n° 64-octobre 1999).