A l'occasion de la visite privée de la Manufactures des tabacs, (réservée aux membres de l'association), le samedi 13 décembre, revenons sur l'histoire de ce "monument industriel" de notre commune.
|
L'entrée de la Manufacture dans les années 1900. © Musée de la carte à jouer. |
C'est au
17 rue Ernest-Renan, dans le quartier Corentin-Centre Ville, que sont construits de 1900 à 1904 les bâtiments qui vont abriter la Manufacture, dite du Gros-Caillou, transférée depuis Paris. Dix heures par jour, du lundi au samedi, les ouvriers travaillent à l'édification de cette usine. Son architecture est typique d'une usine à vapeur du XIXe siècle, avec sa haute cheminée de 45 mètres de haut. Elle est conçue sur les plans types élaborés par l'ingénieur des tabacs Eugène Rolland : une disposition orthogonale des bâtiments, facilitant la circulation par des passages couverts, de vastes ateliers autour de la cheminée, une cour d'honneur fermée par un majestueux bâtiment - aujourd'hui conservé.
|
La façade aujourd'hui. |
"L'architecture est austère, fonctionnelle, comparable à celle d'une prison", raconte Paul Smith, chargé par la
Seita, propriétaire des lieux, d'une mission de sauvegarde des archives - des dossiers qui remontent à 1811 ! Quatre ans plus tard, juste avant le désastre de Waterloo, l'empereur Napoléon autorise la fabrication des cigares.
|
L'un des passages couverts. |
A l'origine, la Manufacture fabrique toutes sortes de produits :
cigares, cigarettes, scaferlati. Ses employés sont essentiellement des femmes. Leurs petites mains leur permettent de rouler les cigares plus facilement. Il faut au moins deux ans d'apprentissage pour avoir le coup de main. Mais dans l'entre-deux guerres, la fabrique se spécialise dans la cigarette de luxe et la mécanisation croissante permet de produire jusqu'à 1600 cigarettes à la minute ! Le travail est éprouvant, la discipline stricte mais les avantages sont considérables : sécurité de l'emploi, retraite à 60 ans et salaires plus élevés que dans le privé. Et l'on est ouvrière à la Manufacture de mère en fille.
Nous avons retrouvé sur le net le
témoignage d'une ancienne ouvrière, Hélène. Voici ce qu'elle raconte : "Il fallait être à l'heure, 7 h 30 du matin, on avait une heure à midi et on sortait à six heures pile. On avait une pause d'un quart d'heure le matin et une l'après-midi. On la passait à ... fumer! On nous donnait chaque semaine quelques paquets de tabac. C'était un travail si dur pour celles qui étaient à la chaîne, je n'ai pas fait ça), qu'elles pouvaient partir après quinze ans de maison. C'était une retraite bine méritée : Naturellement on s'en doute, tous les ouvriers étaient blêmes et atteints d'emphysème ou de cancer du poumon à ce moment-là...
Je n'ai pas tenu très longtemps, mais je n'oublie pas cette odeur de tabac permanente, quelquefois ça sentait très bon, quand on allait dans l'atelier où étaient réceptionnées les grandes feuilles de tabac venue des îles lointaines... "
En 1937, peu après sa création, la Seita (Société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes) compte en France 22 établissements manufacturiers, gérés directement par le ministère des Finances.
|
Les initiales M et T entrelacées. |
En
1978, l'usine ferme ses portes. En 1984, elle est inscrite au titre des Monuments historiques et les architectes François Ceria et Alain Coupel réussissent sa réhabilitation. Les
grilles et le
portail d'entrée, avec les initiales entrelacée M et T (pour Manufacture des Tabacs), rappellent l'âge d'or de cette industrie. A partir de
1987, logements et bureaux sont installés dans une partie des bâtiments industriels sauvegardés. Et depuis 1989, un restaurant, sous la férule du chef Jean-Christophe Lebascle, régale Isséens et Parisiens. Enfin, un nouveau lieu dédié à la photographie y a ouvert ses portes : l'Espace Manufacture.
PCB. Photos A. Bétry.
Prenez votre petite laine, il va faire froid !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire