5 novembre 2014

Journal de Pierre Brengou- septembre 1915 (Grande Guerre - saison 1)

Pierre Brengou est né à Puines (Aveyron) le 12 septembre 1895. C’est le deuxième enfant, mais premier garçon, d’une famille aveyronnaise de huit enfants. C'est aussi le grand-oncle d'une famille isséeenne qui nous a donné l'autorisation de reproduire ici quelques extraits de son Journal. À 17 ans, Pierre Brengou, de la classe 1912 est appelé au service militaire et est de nouveau mobilisé le 18 décembre 1914. En son absence, Joseph le second fils s’occupe des cadets.

Journal de Pierre Brengou. Coll. Privée
Pierre Brengou tient son journal dans un petit carnet (ci-dessus) gardé sur lui et conservé soigneusement par ses petites-nièces que je tiens à remercier chaleureusement. Il décrit dans un français châtié sobrement mais non sans humour, son quotidien sans se plaindre ni se mettre en valeur. On ne peut que lui rendre un hommage posthume sincère et admiratif.


Carte de vœux, 1915.
Carte de vœux (ci-contre) datée du 30 décembre 1914 envoyée par Pierre Brengou à sa sœur aînée Louise avec la mention manuscrite Vive la classe 1915. Fantassin colonial. L’image représente un soldat souriant en train de saluer dans un cadre de drapeaux tricolores, d’armes blanches et de fleurs. On suggère que tout va bien alors que les armées sont dans les tranchées et que les soldats ne seront pas de retour victorieux à Noël.
Le jeune Brengou est mobilisé depuis le 18 décembre. Il écrit : 
« Chère sœur, Voyant arriver le 1er de l’an je m’empresse de t’écrire pour te souhaiter une bonne et heureuse année. Je te la souhaite bonne et heureuse ainsi qu’au petit Jeanou…Je t’en dis pas plus long car j’ai 22 lettres ou cartes à faire et je donnerai d’autres détails en écrivant à Papa. Embrasse pour moi le petit Jeanou. Ton frère qui t’embrasse bien fort, Brengou Pierre »

Toulon, caserne Gouvion Saint-Cyr. Coll. privée

Le 7 janvier 1915, il adresse cette nouvelle carte postale (ci-dessus)  sa sœur. Il trace une flèche et écrit : « La fenêtre de ma chambre on y est 38 [ et au verso] Je t’écris ces quelques lignes pour te dire que j’ai reçu ta photo et pour te remercier d’avoir pensé à moi ça m’a fait bien plaisir. Je me porte toujours bien et j’espère que tu es de même ainsi que le petit Jean et Alexandre…..il n’y pas de danger qu’il neige à Toulon pour faire l’exercice il fait plutôt trop chaud que trop frpid seulement le temps est souvent nuageux mais il pleut pas trop souvent… Brengou Pierre, 8ème 
colonial 21ème comp. 3ème section classe 1915 Toulon ».

Juillet-Août 1915
Dans son journal, il note : « Désigné pour le 8 ème Colonial Mixte aux Dardanelles le 30 juillet 1915 [puis] Désigné de nouveau pour les Dardanelles le 18 août 1915. Vaccin contre le choléra » (soit les 24 et 31 août pendant son temps de repos).

Forcer les Dardanelles est une idée de Churchill pour soulager le troisième allié de l’Entente - la Russie - en forçant le verrou turc. En effet, l’Empire ottoman est du côté de la Triple Alliance ou Triplice, Allemagne et Autriche-Hougrie opposées au Royaume-Uni et à la France. Le détroit des Dardanelles large de quelques kilomètres sépare la presqu’île européenne de Gallipoli de la côte turque, non loin d’ailleurs des ruines de Troie. Il s’étend sur quelques 70 kilomètres entre la mer Égée et la mer de Marmara. Celle-ci mène au détroit du Bosphore pour l’accès à la Mer Noire et à la Russie.
Illust. Le Miroir, 14 mars 1915.
L’objectif originel est naval et sans débarquement prévu ; il s’agit de bombarder les forts à l’entrée des détroits des Dardanelles. L’action engagée dès février, tourne à l’échec en mars 1915. Une nouvelle tentative franco-britannique en avril permet un débarquement à Seddul-Bahr sur la côte ouest de la presqu’île de Gallipoli. La percée alliée est limitée. C’est le début d’une guerre de siège meurtrière contre les forts turcs qui avaient été renforcés par l’allié allemand. Les soldats ottomans sont commandés par l’allemand Van Sanders. Gouraud commandant les deux divisions françaises grièvement blessé en juin est remplacé par le général Bailloud.
On comprend mieux pourquoi l’état-major prend la décision d’envoyer des renforts parmi lesquels Pierre Brengou. Il arrive dans une période extrêmement difficile pour les alliés de l’Entente dans les Balkans. En juillet, des sous-marins et des cuirassés ont été coulés. Il y a un nouveau débarquement début août.

Septembre 1915
Le 14 septembre 1915, Pierre Brengou monte à bord du bateau L’Algérie pour un départ le lendemain à l’aube. « Mer assez calme…Un peu de mal de mer tout de même ».
Il navigue au large de la Sardaigne, de la Sicile et de la Tunisie, traverse la mer Égée et arrive à Moudros le 20 septembre.
Le 22 de ce mois : à nouveau vaccination contre le choléra.
« On est logés sous des marabouts [ nom donné à des tentes circulaires en Algérie ]. Les habitants marchent pieds nus. Les femmes ont la tête entourée d’un linge, on ne leur voit que les yeux. Le pays est pauvre. Comme culture, du blé et du sésame. On emploie des vieilles charrues historiques ».
Pierre Brengou qui a passé son enfance à la campagne s’intéresse d’emblée aux habitants et à leurs activités agricoles. Il est à nouveau vacciné contre le choléra et est de corvée les jours suivants.
Le 25 septembre « travailler à bord de l’Algérie . On débarque tout le jour des planches et madriers. On est bien nourris ». Le 26, il débarque des fusées et des grenades. On prépare de nouveaux bombardement contre les forts. P.Maestracci

Certaines illustrations sont tirées de l’hebdomadaire français Le Miroir généreusement prêté à Historim par Mme Jeannine Poinot.

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