14 novembre 2014

Journal de Pierre Brengou - retour en France (Grande Guerre saison 1)


© A. Bétry

Dernier épisode de la campagne des Dardanelles menée par Pierre Brengou. Et fin de son journal qui se termine alors que le caporal se trouve en France, dans un camp près de Fréjus.

Du 1er au 10 avril : « Rien à signaler ».

11 avril : « A 11h, on a la visite d’un taube, un cuirassé qui est dans la baie lui envoie quelques shrapnells et dans la journée on reçoit l’ordre de se tenir prêts à partir ».
Un shrapnell, du nom du général britannique qui l’a inventé, est un obus bourré de balles.

25 avril : « Depuis 3 ou 4 jours la ration de viande par homme et par jour a été diminuée de 500 grammes à 400 et aujourd’hui on supprime le quart de vin remboursable aux caporaux. On ne touchera qu’un quart de vin par jour et encore ce sera du vin grec ».

27 avril : « Ordre de départ pour le lendemain ».

28 avril : « On embarque sur le Doukkala ».

1er mai : « Jour mémorable. On passe le cap Matapan. à 2h. A 7 h on est torpillés au fond de l’Adriatique à 100 milles [185,2 km] de Malte. A ce moment je me trouvais à l’arrière, j’aperçois à tribord à 200 mètres à peu près le sillage d'une torpille venant droit vers nous… .Je me couche… je me relève et j’aperçois la torpille continuant sa route par bâbord. On a eu de la chance, elle est passée à un mètre ou deux grâce à la prudence du commandant du navire au lieu de marcher en ligne droite on navigue en zigzag… Une heure après on a aperçu le sillage d’un sous-marin à tribord marchant parallèlement à notre navire à environ 1000 mètres, on lui a envoyé 5 ou 6 obus de 37 et il a disparu ».
Le cap Matapan est à l’extrémité sud de la péninsule grecque ; le navire se dirige vers la mer Ionienne et la Sardaigne.

Pierre Brengou, 8 juin 1916,
près de Saint-Raphaël.
5 mai : « A 14h, on aperçoit les côtes de France et à 17h, on rentre dans le port de Toulon…Avec quelle joie je revois la France que j’ai quittée il y a 8 mois moins 8 jours ».

7 mai et jours suivants Pierre Brengou se trouve dans un camp à Fréjus où le ravitaillement est insuffisant les premiers jours.
Les derniers mots de son journal « On fait partie maintenant du 69ème Bataillon sénégalais 3ème Comp.[compagnei] Camp des Évêques près Fréjus (Var) ».


Épilogue.
Après cette campagne des Dardanelles et d’Orient, Pierre Brengou avec son bataillon participe à la campagne de France. Il est tué le 17 ou le 18 avril 1917 sur le Chemin des Dames, à la ferme du Poteau d’Ay. Cette route, autrefois empruntée par la reine pour assister au sacre du roi, relie Soissons et Laon dans l’Aisne. Commandant en chef pour la région depuis décembre 1916, Nivelle veut rompre le front dans cette zone. L’opération est retardée d’un mois par le repli allemand sur la ligne Hindenburg plus facile à tenir. L’attaque générale est lancée le 16 avril 1917. Pierre Brengou meurt le surlendemain selon le bulletin de décès. Ce caporal du 59ème bataillon de Tirailleurs Sénégalais est « Mort pour la France » à l’âge de 21 ans (Mairie de Pruines, Aveyron 26 septembre 1926).
L’opération au Chemin des Dames est un désastre sanglant : des mutineries éclatent. Elles sont réprimées et suivies d’exécutions. L’opération, suspendue le 21 avril, est abandonnée le 17 mai car Nivelle est remplacé par Pétain le 15 mai. Le général Mangin ne s’empare du Chemin des Dames que le 12 octobre 1918, un mois avant l’armistice.

Chemin des Dames : zone de combat particulièrement meurtrière lors de l'offensive Nivelle en avril 1917.
Pierre Brengou y trouve la mort.
La tombe de Pierre Brengou à « 700 mètres NO du Poteau d’Ailles [est ] transférée à Cerny en Laonnais arr [arrondissement] de Laon (Aisne) où elle prote le n°2682 au Cimetière National le 27-5-1925 » (Extrait du service d’état civil des Sépultures Militaires)

Nous pouvons associer à la mémoire de Pierre Brengou, celle de son cadet Gabriel Brengou mort en août 1944 à Ablis (Yvelines) au sud de Rambouillet. Des soldats de la 2ème DB de Leclerc s’élancent le 23 août de la zone de Rambouillet pour aller libérer Paris. L’aîné et le cadet sont morts en combattant pour leur pays à vingt-sept ans de distance lors des deux guerres mondiales. P. Maestracci 


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