Vendredi 25 août – Matinée de jour de fête. Jour d’enthousiasme, de délire…Tout le monde se parle et s’interpelle. Les gens se promènent dans les rues. Chacun arbore les couleurs tricolores sous toutes les formes. La foule va voir des troupes qui passent à la gare d’Issy. On pavoise la façade qui est une des plus jolies….Quand à midi, on crie : « les voilà », une foule apparaît. Ce sont des Canadiens… Cette fois, ça y est : on les a vus nos libérateurs…
Minute inoubliable, quelle émotion qu’on n’ose pas faire exploser… On crie, on applaudit comme on le fera par la suite pour chaque voiture. Nos alliés et les soldats de l’armée Leclerc sont d’une courtoisie : ils ne se lassent pas de nous prodiguer leurs sourires et leurs saluts. Des avions survolent bas… ce ne sont plus les Boches… et ces avions américains sont « paisibles »…
Nous ne pouvons atteindre notre but [aller à la gare d’Issy] : des coups de fusil sont tirés dans l’île Saint-Germain où des Allemands sont retranchés Au retour, nous voyons une femme emmenée entre deux gendarmes pour lui couper les cheveux à la mairie.
La 2e DB, divisée en différentes colonnes, franchit plusieurs portes de Paris entre la porte de Saint-Cloud et celle d’Italie. Le général Leclerc passe par la Porte d’Orléans pour se diriger vers l’ancienne gare Montparnasse par l’avenue qui porte désormais son nom. C’est le cas pour la portion de la rue Renan entre la place Vaillant-Couturier et l’Hôtel de Ville à Issy-les-Moulineaux qui porte son nom aussi après la guerre.
Dès 15 heures, von Choltitz se rend et signe une capitulation à l’Hôtel de Ville puis un ordre de redditon pour toutes ses troupes à la gare Montparnasse, en présence de Chaban-Delmas et de Rol-Tanguy. Le général de Gaulle arrive quelques minutes après. Il rejoint ensuite le ministère de la Guerre puis, à 19 heures, l’Hôtel de Ville pour son célèbre discours sur « Paris outragé, Paris martyrisé mais Paris libéré par lui-même, libéré par son peuple etc. »
Dans la commune, les combats continuent dans l’île Saint-Germain et c’est le sinistre épisode des femmes tondues.
Samedi 26 août – [Une partie de la famille part ] aux Champs-Élysées pour assister au défilé de De Gaulle et des troupes…. C’était magnifique et délirant d’enthousiasme. L’hommage reconnaissant à celui qui nous a délivrés de l’occupation ennemie… Il y avait beaucoup de fleurs, beaucoup de monde. Pendant ce temps, j’assiste à l’enterrement de 6 soldats français tués en arrivant à Issy dans l’île Saint-Germain [voir photo ci-dessous].
En parcourant les rues de Paris et en approchant [de Notre-Dame] nous entendons mitraille et coups de fusil… Les gens fuient. Les miliciens tirent des toits et des fenêtres sur la foule… Des ambulances passent… des voitures d’FFI armés… des « jeeps », encore inconnues des Parisiens…
L’atmosphère de Paris est enfiévrée. La joie de la délivrance est assombrie par le feu de ces traîtres qu’on traque dans tous les quartiers.
Vers 11 heures [23h], coup de théâtre : avions dans l’air, mitraille, DCA, bombardement. C’est la visite des Allemands qui viennent déverser leur rage de nous savoir quittés… Un grand incendie s’élève… c’est au quai de Bercy.
Cérémonie funéraire rue Renan. |
Robert Jacques, Isséen, s’y trouvait avec sa femme ce jour-là. Son témoignage est sur notre site [http://www.historim.fr/2011/05/robert-jacques-fait-de-la-resistance.html].
Le général de Gaulle est acclamé sur les Champs-Élysées, ce qui manifeste sa légitimité aux yeux des Alliés qui avaient prévu une occupation militaire de la France pour remplacer le régime de Vichy issu d’un vote de parlementaires en 1940.
De Gaulle assiste ensuite à une cérémonie à Notre-Dame où des tireurs embusqués sèment la panique.
Les combats se poursuivent au nord de la capitale. La 4e division allemande occupe l’aéroport du Bourget et les Allemands contrôlent encore les accès au nord et à l’est de Paris. Leclerc y envoie des troupes.
P. Maestracci.
Légende photo ci-dessus : La ville d'Issy-les-Moulineaux rend hommage aux six soldats
morts la veille, le 25 août, sur l’île Saint Germain. De nombreuses gerbes portées par des
enfants et des jeunes femmes précèdent des corbillards tirés par des chevaux.
La foule est massée de chaque côté. En face, l’immeuble de deux
étages avec la publicité Richard Chambres
sur le mur peint est remplacé de nos jours par le collège Matisse.
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