Agop dans les années 1941, avec son ami Matteo, et son vélo tout neuf. |
La famille
Agop (Jacob) est le fils de Krikor et d’Archagouhi (« Aurore ») Zébourian qui ont vécu dans le 20e arrondissement, à Paris, avant de venir à Issy-les-Moulineaux. Son père a travaillé dans plusieurs usines comme Panhard-Levassor et a fait des marchés en fin de semaine ; sa mère fut manutentionnaire chez Gévelot. Elle racontait qu’il y avait un traducteur arménien francophone, « prétentieux et portant beau », mais qui était incontournable pour les employés étrangers. Les parents d’Agop achètent un terrain rue Anatole France pour y faire construire une maison. La chaussée était en terre battue et le bec de gaz « toujours en panne ». Dans cette rue, où furent construites les Maisons Saines dans les années 1930, il y avait d’autres familles arméniennes.
Souvenirs d'école
Agop Zébourian fréquente l’école Jules Ferry, où les « biscuits vitaminés, caséinés » distribués aux enfants pendant la guerre, servent de monnaie d’échange pour avoir des billes ou « assurer la paix » auprès de petits « caïds ». Les instituteurs y sont gentils ; Agop se souvient d'une Mme Tremblay ( ? ) qui « était belle mais giflait » ses élèves.
A la récréation, on joue au jeu du serpentin, interdit bien vite car dangereux : plusieurs garçons se tiennent par la main pour courir en tous sens et le dernier était propulsé [par la force centrifuge]…à ses dépens. Les filles préfèrent sauter à la corde. En raison des bombardements fréquents sur les usines Renault proches, les écoles isséennes ne fonctionnent plus qu’à mi-temps.
A la récréation, on joue au jeu du serpentin, interdit bien vite car dangereux : plusieurs garçons se tiennent par la main pour courir en tous sens et le dernier était propulsé [par la force centrifuge]…à ses dépens. Les filles préfèrent sauter à la corde. En raison des bombardements fréquents sur les usines Renault proches, les écoles isséennes ne fonctionnent plus qu’à mi-temps.
A l'école Jules Ferry. Noter le sarrau qui se ferme dans le dos. Coll. privée. |
Les jeux se pratiquent aussi dans les rues car rares sont encore les voitures. Agop retrouve des copains arméniens, espagnols ou italiens dans l’Île Saint-Germain. Il se souvient du jeu du pirli (tchelik en turc) : il faut deux équipes de 3 garçons, un morceau de bois entaillé de chaque côté qu'il faut envoyer, avec une raquette en bois ou un bâton, dans un cercle situé à quelque distance. L’équipe adverse doit s’en emparer au vol. Pour occuper les jeunes, le curé de Sainte-Lucie proposait la projection de films avec Tintin et Milou, tandis que l’Armée du Salut organisait des jeux.
La Libération
En août 1944, une boucherie chevaline proche de l’hôtel de ville (tabac de nos jours) fut réquisitionnée par les FFI (Forces Françaises Libres) dont l’un des « capitaines » fut ensuite rétrogradé par de Lattre de Tassigny. Il y eut des règlements de comptes : 3 ou 4 femmes tondues durent défiler, pieds nus dans les rues, avec une croix gammée tracée au goudron sur le crâne rasé et le dos dénudé. Certaines exécutions sommaires eurent lieu dont celle d’un homme engagé dans la LVF (Légion des Volontaires Français de Doriot) revenu du front germano-soviétique. Son fils se vit affirmer sans ménagement : « Ton père, on l’a zigouillé ».
L'âge d'or des Trente Glorieuses
Après ces temps difficiles, la vie devient « facile et bien…avec du boulot ». Agop Zébourian note les transformations de son cher quartier. Il y avait de nombreux jardins maraîchers : en contrebas d’un bon mètre à la place de l’église Notre-Dame des Pauvres (place Léon Zack), à l'emplacement des usines SEV-Marshall rue Guynemer, remplacées de nos jours par d’imposants immeubles de bureaux, ou encore, à côté du Séminaire Bois-Vert et Centre administratif, rue du général Leclerc. En face du Séminaire (emplacement d’Orange R & D), de petites maisons étaient séparées de la rue par des jardins. Un jardinier vendait ses chrysanthèmes.Un important marchand de charbon, Cholet, avait deux dépôts : l’un entre la rue des Acacias, celle des Peupliers et le boulevard Gallieni, et l’autre face au square de Weiden, entre l’avenue Victor Cresson et le rue Hoche. La livraison se faisait en carrioles tirées par des percherons. Un autre marchand de charbons d’origine arménienne avait son chantier boulevard Rodin, en face de l’actuel Complexe sportif de la Source.
Les usines étaient nombreuses qu’il s’agisse des Blanchisseries de Grenelle avec leur puits artésien, des lampes Mazda, des pneumatiques Dunlop, près de la gare rue Rouget de Lisle, ou de la tréfilerie Bohin et un dépôt de planches pour les usines Citroën avenue Jean Bouin. Certaines entreprises déposaient leurs déchets sur des terrains vagues : les usines Voisin rue Charlot avec, juste en face, des pots entassés de peinture séchée. La SITA rue du Capitaine Ferber possédait un garage pour ses voitures qui ramassaient les ordures avec deux « boueux » [éboueurs]. Souvenir olfactif puissant : l’incinérateur de l’ancienne TIRU (voir rubrique Industrie) qui « sentait mauvais avant la construction d’une grande cheminée avec filtre.»
Agop Zébourian gagna sa vie en étant artisan-tailleur spécialisé dans la fabrication de vestes.
Je remercie Mme et M. Zébourian pour leur chaleureux accueil ainsi que Christiane Lalu qui m’a permis de recueillir ce précieux témoignage. P. Maestracci
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