Ce jour-là, l'arrestation de 300 intellectuels et notables arméniens à Constantinople - certains avancent un chiffre bien supérieur - marque un tournant dans la longue répression turque organisée contre les Arméniens depuis plusieurs années. Cette date est prise comme point de départ des déportations et massacres, et marque pour la communauté arménienne l'anniversaire du génocide.
Pendaison de notables arméniens à Constantinople, en 1915. Source pour les deux photos : Comité de Défense de la Cause Arménienne / www.cdca.asso.fr |
Les célébrations récentes du 96e anniversaire de ces terribles événements, qui se sont déroulé à Clamart et surtout à Issy-les-Moulineaux, nous ont rappelé qu’une forte communauté arménienne existe dans notre ville : 5000 personnes environ. Pour mémoire, essayons de résumer le tumultueux passé de l’actuelle Arménie.
L’histoire de ce pays est faite d’invasions et d’occupations. D’abord royaume d’Ourartou, puis de Tigrane à la veille de notre ère, la Grande Arménie comprend alors la Transcaucasie, le nord de la Mésopotamie et de la Perse, la Cilicie et la Syrie. Au carrefour de multiples civilisations, le pays est malmené et convoité en l’an 387 par ses nombreux voisins. Dislocation de la Grande Arménie qui fait partie de l'empire perse. Vers 650, l’Arménie est islamisée. De 1045 à 1071, le pays passe sous le joug byzantin. Un exode occasionné par la victoire des Turcs sur les Byzantins en 1071 divise la population. En 1200, la Géorgie reconquiert l’Arménie du nord ; trente ans plus tard c’est l’invasion mongole. L’Arménie se trouve partagée entre la Perse et l’Empire Ottoman au moment de la prise de Constantinople par les Turcs en 1453. Après six siècles de guerres turco-persanes, les Russes prennent le relais contre l’ennemi turc, l’enjeu étant toujours l’Arménie.
Jeunes Arméniennes en 1910. |
De 1915 à 1918, déportations et massacres organisés par les Turcs anéantissent la population : 1,5 millions d’Arméniens sont exterminés. Les deux années suivantes se constitue une République d’Arménie, mais en 1920 nouvelle invasion des Turcs… En 1922, 60 000 Arméniens quittent le pays pour la France. 1947 voit le retour de milliers d’Arméniens de France vers le pays occupé par les Soviétiques. Le 7 décembre 1988, un séisme fait 25 000 morts et 500 000 sans abri. L’indépendance est déclarée l’année suivante et, par référendum du 21 septembre 1991, le peuple proclame son indépendance.
Le 18 janvier 2001, à Paris, l'Assemblée Nationale adopte à l'unanimité la proposition de loi : "La France reconnaît publiquement le génocide arménien". Au cours des débats préliminaires, retenons l’intervention de M. André Santini, maire d'Issy-les-Moulineaux.
"Après ce débat très riche et largement consensuel, je voudrais retenir deux idées, deux messages que délivrera le vote de ce texte.
Le 18 janvier 2001, à Paris, l'Assemblée Nationale adopte à l'unanimité la proposition de loi : "La France reconnaît publiquement le génocide arménien". Au cours des débats préliminaires, retenons l’intervention de M. André Santini, maire d'Issy-les-Moulineaux.
"Après ce débat très riche et largement consensuel, je voudrais retenir deux idées, deux messages que délivrera le vote de ce texte.
D'abord un message d'amour pour la communauté arménienne. Ce peuple attend depuis si longtemps. Il est avec nous depuis les Croisades - à la fin des banquets arméniens, des jeunes filles habillées en dames des Croisades nous le rappellent. En Arménie même, chacun a deux nationalités : celle de l'Arménie et celle de la France. A chacune des grandes guerres, les Arméniens étaient à nos côtés. Ce grand peuple est présent dans tous les domaines - l'art, la musique, les affaires, l'action militaire. Un jour, un Arménien m'a dit : « Il n'y a qu'un seul domaine où nous ne sommes pas bons, c'est la politique ! » Je lui ai répondu qu'on pourrait peut-être importer quelques Corses... (Rires)
Ce message d'amour, nous le devons à nos amis arméniens.
Le monument au génocide, rue de la Défense (Hauts-d'Issy) |
"Mon deuxième message est un message d'espoir, adressé à la Turquie. C'est aujourd'hui la fin d'un système, et la Turquie doit comprendre que ce geste, loin de lui être hostile, c'est pour elle que nous l'accomplissons, en faveur d'une Turquie désireuse d'entrer dans l'Europe, mais aussi de montrer qu'elle est l'héritière d'une grande histoire, dont témoignent nos liens avec l'Empire ottoman. Elle doit savoir que d'autres pays, à commencer par l'Allemagne ou la France, ont vu se succéder des heures noires et des périodes d'espoir. C'est ce message d'espoir que nos amis arméniens, qui ont trop souffert pour vouloir une vengeance, porteront (Applaudissements sur tous les bancs)."
Commémoration du 25 avril 2011 |
Photos et texte A.Bétry